Magnifique article de William Langewiesche dans Vanity Fair sur le crash d'Air France Rio - Paris, 447. J'attendais cet article avec une certaine impatience, Langewiesche est l'un des meilleurs reporters sur les accidents aériens. Il ne nous apporte pas d'explications nouvelles sur ce crash mais il apporte du contexte et une vision de l'évenement passionnant. On savait que c'était plusieurs erreurs de pilotage qui avaient envoyé AF 447 par le fond, on a lu et relu le rapport du BEA, mais Langewiesche nous apporte, dans cet article, une synthèse des évenements qui ont conduit à l'accident et des précisions importantes sur les pilotes et leur état d'esprit au moment de la panne.
Les pilotes : de nos jours il y en a beaucoup pour faire face à la demande, ce ne sont plus les meilleurs et les plus compétents qui sont au manche des avions de ligne mais des gens ordinaires. La compétence moyenne a baissé comme les qualités instinctives d'aviateur (l'airmanship). La formation aussi car on fait plus confiance aux instruments et aux ordinateurs pour rattrapper l'avion qu'aux personnes qui le pilotent — par exemple on n'apprend plus aux pilotes à rattrapper un décrochage à haute altitude puisqu'un Airbus n'est pas censé décrocher, en raison de ses protections informatiques. Les automatismes des instruments de bord font que les pilotes ne pilotent presque plus, d'ailleurs... et qu'ils s'ennuient.
À bord d'AF447 il y avait donc un commandant de bord très expérimenté mais fatigué par son escale à Rio où, semble-t-il, il avait bien fait la fête, qui est sorti du cockpit pour aller se reposer au moment le plus critique du vol en laissant le manche a un jeune beaucoup moins expérimenté, et dont il n'a pas su percevoir l'anxiété à passer la zone intertropicale et sans vraiment lui laisser d'instructions sur la marche à suivre en cas de problèmes dans cette zone intertropicale, pourtant reconnue comme dangereuse. Un commandant de bord qui n'a pas repris l'avion des mains du jeune pilote complêtement désorienté et paralysé par la peur, qui n'a pas entendu (du moins c'est ce qui transparaît des enregistrements) les avertissements de décrochage, qui n'a pas reconnu dans le "buffetage" (dont on dit pourtant que c'est un phénomène effrayant à subir), le signe que l'avion était en train de décrocher. Un jeune pilote relativement inexpérimenté qui a maintenu l'avion à cabrer, le faisant ainsi décrocher, pendant tout le temps, et même après avoir passé la main à son collègue de gauche, en dépit de toutes les procédures à appliquer en cas de décrochage et même en dépit des qualités d'aviateur de base. Un troisième pilote qui ne pilotait plus guère et faisait ce voyage pour s'assurer du maintien de sa licence, lui aussi dépassé par les évenements, n'y comprenant pas grand chose et donnant des instructions floues (mais pourtant bonnes et justifiées) à son collègue pilotant, qui n'y a rien compris.
Un concours de circonstances et un tout petit incident (le bouchage des sondes Pitot par la glace) et voilà un superbe engin, à la fiabilité irréprochable, à la sophistication technologique extrême, et ses 228 passagers au fond de l'Atlantique. Voilà ce qui fait froid dans le dos quand on prend l'avion ! Ah ! si l'on pouvait avoir comme pilote l'as de Qantas 32, Richard de Crespigny !