[…]Il est clair que l'homosexualité n'est pas acceptée comme normale par une grande partie de la population, en particulier catholique, et que cela joue de manière décisive dans la perception des enjeux autour du mariage pour les personnes de même sexe (et surtout que des personnes en souffrent quotidiennement, et j'en connais). On peut critiquer l'étymologie du mot et les connotations qui y sont associées, mais pas l'amputer de la moitié de sa signification, celle "structurelle", alors qu'elle est clairement en jeu: il y a de manière évidente une lutte politique et culturelle pour déterminer si l'"institutionnalisation" de l'homosexualité est une détérioration ou une avancée sociale. On peut trouver le terme "homophobe" mal choisi mais pas nier que ce débat autour du mariage pour tous tire son intensité et sa virulence de la rencontre de regards différents sur ce que sont le désir et l'union homosexuels, en eux-mêmes et par rapport à leurs équivalents hétérosexuels.
Et ce qui représente pour moi la grande violence de la Manif pour Tous, c'est précisément de chercher à le dissimuler ou le minimiser par tous les moyens. En soulignant que ce n'est pas un problème urgent, elle nie la souffrance des homosexuels qui voit leur union reléguée au rang de sous-relations. En donnant la parole, exclusivement, aux quelques homosexuels opposés au projet de loi, pour donner l'impression qu'elle défend une meilleure intégration des gays. En se prétendant "contre l'homophobie", alors qu'elle cautionne cette violence symbolique qui valide une représentation de l'homosexualité comme "différente" et moins"naturelle" et qu'elle ne fait rien de concret pour battre en brèche les préjudices vécus au jour le jour par la plupart des homosexuels. En prétendant que la contestation d'un projet de loi qui s'intitule "mariage pour les personnes de même sexe" n'a rien à voir avec l'union des personnes de même sexe. En infantilisant les motifs de leur revendications en les présentant comme peu sérieux: par la condamnation d'un "droit à l'enfant" que personne à ma connaissance n'a soutenu, en les accusant de "réduire" le mariage à l'amour. En leur tendant un "contrat d'union civile élargie" comme on donne un jouet à un enfant pour qu'il arrête de pleurer, comme si une union distincte du mariage pouvait satisfaire cette attente fondamentale qui est d'être perçu "comme tout le monde" et de se voir reconnaitre les mêmes droits que "tout le monde". En se plaignant, lorsque des homosexuels se laissent aller à la colère et la mettent en cause, d'être en butte à la "haine" LGBT, elle leur nie le droit d'exprimer leur révolte face à un mouvement qui nie le caractère naturel de leur relation, et de leur orientation sexuelle, qui accuse implicitement les couples homoparentaux qui existent déjà de fait de faire souffrir leurs enfants. Enfin, en niant que les homosexuels soient à l'origine de leur propre parole, de leur propre demande, en attribuant à celle-ci des commenditaires et des mobiles sombres et mystérieux: un "lobby minoritaire" (je ne dis pas qu'il n'y a pas lobby LGBT ni de radicalisation politique de certains homosexuels, mais pour en connaitre d'autres non politisés, je peux témoigner que c'est une revendication très largement partagée au delà), la "théorie du genre", la destruction des valeurs judéo-chrétiennes de notre société...
[Aigreurs administratives: "Non violente", la Manif pour Tous?]