La Base Secrète s'est vidée très vite à partir de quatre heures de l'après-midi. Je suis resté seul avec une collègue jusqu'à cinq heures et je suis allé prendre mon train à la Gare Montparnasse juste à coté de la Base. Direction St Pierre des Corps. C'était la foule des grands jours, la "plateforme" (on appelle ainsi l'espace devant les voies) était noire de monde. Encombrements de circulation des piétons pour arriver aux quais où, alignés comme à la parade, les TGV au départ attendaient leurs passagers. Parmi la foule les cheminots en service sont repérables: anoraks bleus et casquettes des agents de l'escale, gilets rouges des guides, vestes grises à revers violets des agents du contrôle des trains.
J'ai piqué un bon roupillon dans le train. J'adore dormir dans le TGV, c'est même mon activité favorite, légèrement bercé par les mouvements du train et le rythme régulier des bogies, je pique du nez très rapidement en général, quand je pars de Paris en fin de journée. J'aime ce sentiment de sécurité et d'isolation des avanies du monde extérieur que je ressens dans un train. Ça m'endort, je me sens bien, douillet, confortable. Ce qui ne m'arrive malheureusement pas en avion, où, malgré ma grande confiance et mon absence de peur dans ce moyen de transport, je reste tout de même inconsciemment sur mes gardes, incapable de dormir, à moins que ça soit l'excitation de prendre l'avion tout simplement. Je n'éprouve tout de même pas le même sentiment de sécurité douillette dans un avion que dans un train et le bruit régulier des bogies sur les rails, ce bruit si berçant et si familier me manque en avion.
Arrivé à St Pierre des Corps il faut prendre la navette pour Tours et là, on monte dans un "petit gris", un vieux train en alu qui dans le temps desservait la banlieue parisienne, un train froid en hiver et bouillant en été, sale et sordide. Mais le voyage est bref et j'ai rapidement embarqué dans le train régional pour Chinon. Dernière étape de ce petit voyage vers la campagne.
L'autorail s'enfonce alors dans la nuit noire en s'arrêtant dans de petites gares désolées, froides et obscures, solitaires et vides, à la périphérie de villages qu'on devine dans les ronds de lumière orange des réverbères au sodium, se reflétant dans les larges flaques noires comme la nuit laissées par la pluie qui tombe avec opiniâtreté. Villages qui paraissent bien plus sinistres et désolés dans la nuit d'hiver que dans celle d'été, réverbères à la lumière orangée aux coins des murs de maisons parfois décorées de maigres guirlandes lumineuses de Noël, qui rendent le paysage encore plus triste, paradoxalement.
Nous avons fêté Noël en petit comité, mais on ne s'est pas laissé abattre: champagne Brochot-Huat, excellent comme toujours, huitres grasses, "spéciales de claires" de La Tremblade, pâté de foie maison, salade, fromages.
La vie continue. Joyeux Noël, amis lecteurs.