mardi 13 octobre 2009

space invaders

557066243_RDWuT-M.jpg

Manhattan, Broadway.

J'ai souvent l'impression que la vie est comme ces jeux vidéo de "shoot them up" du siècle dernier comme le fameux "space invaders". Vous êtes en bas de l'écran armé d'un canon laser que vous pouvez déplacer horizontalement, dans les airs vous tombent dessus rangées après rangées d'aliens déterminés à vous détruire. Le but du jeu est de vous débarrasser des aliens à l'aide du canon laser, avant qu'ils ne vous tuent ou qu'ils atteignent le bas de l'écran. L'élimination totale d'une rangée d'aliens amène une autre vague ennemie encore plus difficile et plus rapide que la précédente. La vie est comme ça, me disais-je ce matin, et ce n'est pas une idée très originale parce qu'il me semble avoir lu une métaphore à peu près équivalente dans un roman de David Lodge. C'est ça quand on lit trop, les métaphores ne vous viennent plus que réchauffées. Je me faisais cette métaphore ce matin parce que c'est exactement ce que je ressens en ce moment. Je me sens comme le canon laser du jeu, pourfendant les emmerdements les uns après les autres au moment où ils arrivent. Bien sûr, pour le moment ce ne sont que de petits emmerdements, mais leur accumulation est fatigante d'autant que j'ai une véritable névrose: je ne prévois qu'un minimum. Je devrais voir un psy pour ça. Et pour autre chose. D'ailleurs je dis toujours qu'il y a deux catégories de personnes (et là non plus ce n'est pas très original, j'ai dû piquer ça à Woody Allen): ceux qui ont un psy et ceux qui en ont besoin. Donc, hier, j'ai esquivé un certain nombre d'emmerdements rageurs, et ce matin ils m'en tombent de nouveau, de plus ou moins prévisibles mais non prévus. Enfin rien de bien grave mais qui préfigurent d'autres emmerdements à venir et qui font me demander quand cette comédie va cesser. En même temps je me dis que ce sont de tous petits emmerdements au regard de ceux de la plupart de mes contemporains et je me sens coupable même de les évoquer ici. Je suis en bonne santé (enfin je crois, et le toubib qui m'a fait passer la visite médicale annuelle hier le croit aussi, à mon grand soulagement), j'ai un travail sûr et steady, une source de revenus taxables constant, un logement pratique et viable (quoique passablement usé, mais ça aussi ça va s'arranger), pas de quoi se plaindre donc, si j'étais une personnalité solaire et non un caractère qui a tendance à se plaindre de son sort et à se regarder excessivement le nombril. Donc je me disais ce matin, encouragé toutefois par le soleil qui brille enfin sur Paris et la température qui remonte après plusieurs jours sombres, gris et humides, je me disais que la vie ressemblait à space invaders et non seulement pour moi mais pour tout le monde, à peu près. Ce sont mes pensées du matin et peu importe qu'il fasse grand soleil, je suis un inquiet et un pessimiste du matin et un serein et un optimiste du soir, me disais-je, en prenant le métro pour aller au travail. Le matin au mieux je suis grognon au pire je suis déprimé et anxieux. Le soir j'ai l'esprit clair et joyeux, je suis optimiste et serein, la plupart du temps. Le matin je n'ai pas envie de me lever, si je ne me retenais pas je resterais au lit et si je me lève (ce qui arrive la plupart du temps) je suis de mauvaise humeur ou inquiet, excessivement inquiet, je me trouve nul et inutile (ce qui est vrai mais le matin j'ai moins d'illusions sur moi-même), je suis réaliste en fait et ça c'est particulièrement insupportable quand on ne supporte pas la réalité ou plutôt quand on ne l'accepte pas, ce qui est pourtant la seule chose à faire, mais bon… Et le matin c'est du "shoot them up" de mes contemporains que j'aimerais faire (je rassure mes lecteurs, je suis totalement pacifique et en plus pas armé), ceci pour dire que je ne suis pas particulièrement bienveillant vis-à-vis de moi-même et des autres.

Où voulais-je en venir? Je ne sais plus, c'est ça le problème des streams of consciousness, il arrive qu'on perde le stream ou qu'il y ait un confluent et qu'on change de stream. Il arrive que le courant, la rivière des pensées soit pleine de sacs en plastiques, de caddies rouillés et de détritus comme n'importe quelle rivière de nos jours et non pas un frais ruisseau de montagne dévalant des glaciers dans toute sa pureté. Ce matin j'étais seul dans mon "département" à la Base. Personne. On est sept d'habitude, dans le même bureau, et là ce matin on était un, moi. Enfin je n'étais pas complètement seul, c'est très rare que je sois complètement seul dans l'immense bureau paysager partagé en deux par une cloison munie d'une porte à deux battants toujours ouverte. Les collègues d'à coté étaient là, mais ils sont de "départements" différents du mien. J'entendais leurs conversations étouffées par la distance et la cloison. C'est extrêmement rare qu'il n'y ait personne dans le "département" (j'écris "département " entre guillemets pour désigner la structure à laquelle j'appartiens au travail, nous sommes divisés en départements, on aurait pu l'être en services ou secteurs ou équipes mais c'est départements). Enfin quelqu'un est arrivé sur le coup de onze heures. C'est détendu les horaires au travail et c'est bien comme ça, au fond, nous avons chacun des dossiers de fond pour lesquels il n'y a pas d'urgence et pas de rendez-vous, donc pas d'obligation d'horaire. Le problème ce matin était que mon ordi principal du travail était en panne, comme il est tombé en panne hier. Le tech' qui est passé hier matin est passé alors que j'étais aux toilettes et à juste appuyé sur le bouton et comme l'ordinateur, miraculeusement, a démarré, il a déclaré sans aller plus loin que "ça marchait" et a disparu avant que je sorte des toilettes et que je l'intercepte pour lui dire que la panne était une panne aléatoire et que un coup il démarrait un coup il ne démarrait pas ou alors tombait en panne aussitôt après avoir démarré. Après être revenu l'après-midi le tech' a déclaré que c'était la carte graphique qui était HS. Aujourd'hui un tech' chinois est venu pour changer la carte graphique et ni une ni deux sans demander l'avis à personne il a changé aussi la carte mère. Résultat il faut re-paramétrer le disque dur après avoir sauvegardé les données qui sont dessus et ça va prendre deux jours de plus. J'en suis bien sûr réduis à utiliser un petit portable DELL assez obsolète et qui ne contient pas les dossiers sur lesquels je travaille en ce moment.