mercredi 28 mai 2008
le renard, les poules et le poulailler
Ma soeur me raconte que toutes les poules de son poulailler ont été tuées par un prédateur rural (une fouine ou une martre ou un renard) qui s'est introduit pendant la nuit dans la cabane qui sert d'abri aux poules, en perçant un trou dans son toit. Je me suis dit que c'était une illustration possible de la théorie dites des opportunités, en criminologie environnementale, qui s'appuie sur le concept du "triangle criminel" : les problèmes criminels surviennent quand un délinquant motivé et une cible intéressante se rencontrent dans le temps et l'espace dans un lieu dépourvu de gardiens efficaces et/ou d'une gérance dissuasive. On considère que la cupidité normale et l'égoïsme de l'être humain sont des motivations suffisantes pour le délinquant; on ne fait pas de distinctions entre une victime humaine ou une cible inanimée car les deux peuvent indifféremment convenir au prédateur; le gardien efficace peut être un humain ou un artefact (clôtures, caméras de surveillance, dispositifs d'alarme, éclairage); la qualité de la gérance du lieu est aussi à prendre en compte, les lieux manquants manifestement de propriétaires qui l'entretiennent étant favorables au crime. Nous avons ainsi nos trois cotés du triangle : le criminel, la cible et le lieu où ça se passe. Les analystes criminels utilisent le triangle pour étudier les mécanismes de la délinquance et la mésaventures des poules ma soeur peut être une illustration de cette théorie. Le délinquant est le prédateur forestier en quête d'une proie facile pour se nourrir et peut-être nourrir ses petits, sa motivation est simple à cerner. Le prédateur s'attaque à une cible qui lui convient et qui présente pour lui, non seulement le moindre effort, mais le moindre risque et le meilleur rapport qualité (ou quantité) / risque. Les malheureuses poules enfermées, dormant la nuit dans une cabane à la lisière des bois et éloignée de la maison présentent une cible idéale pour la martre affamée (ou la fouine, ou le renard). Le lieu convient tout à fait à un raid : une cabane en planche, certes entourée de clôtures électrifiées mais surmontée de branches d'arbres permettant une intrusion par les airs, au bord des bois protecteurs pour le malfaisant en cas de replis et assez loin de la maison pour que les humains ne soient pas alertés par les cris des poules qu'on égorge. Conjonction dans le temps et l'espace d'un criminel motivé, d'une cible intéressante et d'un défaut de gardiennage... Bilan : quatre ou cinq victimes (je ne suis pas sûr du bilan, les poules de ma soeur ne m'ont jamais vraiment intéressé).