Dimanche dernier un 737 Max de Ethiopian Airlines, ET302, s'est crashé quelques minutes après son décollage d'Addis Abeba, tuant les 157 passagers et membres d'équipage.
Cet accident présente plusieurs similitudes avec un accident précédent, le crash de Lion Air en octobre dernier à Jakarta en Indonésie, faisant 189 victimes : même type d'avion, le nouveau Boeing 737 Max, accident juste après le décollage à la suite d'une perte de contrôle de l'appareil.
Ces similitudes ont suffi pour faire interdire tout vol de 737 Max, en Asie d'abord, puis en Europe et enfin en Amérique du Nord où la FAA a été un peu pus lente à réagir.
En ce qui concerne Lion Air les enquêteurs ont pu déterminer que le crash était dû à un dysfonctionnement d'un logiciel embarqué appelé MCAS (pour Maneuvering Characteristics Augmentation System), un dispositif embarqué qui est destiné à empêcher l'avion de décrocher (donc de tomber) quand l'angle d'incidence des ailes de celui-ci est trop importante (1). Le problème survient lorsque le système ressent un décrochage alors qu'il n'y en a pas, déclenchant alors le compensateur (trim) du stabilisateur horizontal forçant l'avion en piqué pour rétablir le bon angle d'incidence et augmenter la vitesse (baisser le nez de l'avion le fait accélérer). Baisser le nez de l'avion est exactement ce qu'il faut faire en cas de décrochage, sur le 737 Max le MCAS le fait tout seul sans intervention du pilote, pour protéger l'avion. Les pilotes de Lion Air n'ont pas réussi à débrancher le système fautif et à rétablir l'avion à l'horizontale.
Cependant, pour les pilotes, parer à un dysfonctionnement du MCAS est une action simple. Le système peut être débranché très rapidement en coupant le compensateur électrique (ce qui demande une action sur deux interrupteurs sur le tableau de bord de l'appareil). On peut penser que les pilotes de Lion Air ont été surpris et dépassés par ce qui arrivait à leur avion et n'ont pas réalisé que c'était le MCAS qui déconnait.
Mais depuis cet accident des consignes ont été passées à tous les pilotes de 737 Max du monde entier pour les avertir de ce dysfonctionnement éventuel et des moyens d'y parer.
Est-ce que c'est ce qui est arrivé à Ethiopian Airlines ? Pour le moment il est impossible de le dire avec certitude mais les similitudes entre les deux accidents ont conduit les différentes autorités aériennes à appliquer le principe de précaution.
Pour ET302 on peut se demander si la procédure préconisée pour débrancher le MCAS a bien été appliquée, ou est-ce que cette procédure a fonctionné, ou est-ce que les pilotes n'ont pas identifié la source du comportement aberrant de l'avion, ou est-ce que ce n'est pas carrément autre chose qui a causé le crash ?
Ethiopian Airlines est une excellente compagnie aérienne, avec des avions neufs, des pilotes bien entrainés et un excellent bilan de sécurité. Le commandant de bord était expérimenté avec 8000 heures de vol, son copilote par contre n'avait que 200 heures de vol. 200 heures d'expérience c'est très peu, ça veut dire qu'il était juste sorti de l'école de pilotage. Est-ce que le manque d'expérience du copilote a été un facteur de l'accident, pour le moment on ne sait pas.
Cette interdiction de vol ne veut pas dire que l'avion le plus répandu dans le monde, le Boeing 737 est dangereux. Seul les 737 Max sont concernés, et il n'y en a, à l'heure actuelle, que 371 en service dans le monde.
(1) La portance d'une aile est en relation directe avec son angle d'incidence, plus l'angle d'incidence est important plus la portance est grande (et plus la traînée augmente). Ceci reste vrai jusqu'au point de décrochage, où la portance commence à décroître à cause de la séparation des flux d'air sur l'extrados. Pour conserver une portance donnée, l'angle d'incidence doit être augmenté au fur et à mesure de la chute de la vitesse, à l'atterrissage par exemple. Lorsqu'un avion vole avec un angle d'incidence important, il peut décrocher soudainement si, par exemple, une bourrasque de vent change la direction du vent relatif. C'est pourquoi le décrochage se produit le plus souvent à basse vitesse (bien qu'à n'importe quelle vitesse puisse survenir un décrochage « dynamique », lorsqu'on sollicite une augmentation excessive de la portance). (Wikipedia=
Texte largement inspiré par ce billet de blog.