J’ai passé un excellent moi de mai 68. Il faisait beau, l’école était fermée, d’ailleurs plus rien ne fonctionnait dans le pays, c’était le bordel et c’était génial. Nos parents étaient verts de trouille, c’était marrant. Avec mes copains les frères Pion (fils du pharmacien, révolution ou non on ne fréquentait pas les prolos), on passait nos journées à la plage (oui, le long de la Vienne, lieu dit La Belle Laveuse), on mitraillait les canards avec des cailloux en disant que c’était des flics et puis on faisait des ricochets. On regardait à la télé les émeutes à Paris. À Chinon la révolution était modérée: je me souviens d’une manifs’ des agents d’EDF (la centrale nucléaire d’à coté) et d’un lycéen qui se baladait dans les rues, tout seul, avec un drapeau rouge.
Ça a duré trois semaines et puis De Gaulle a disparu, jour de panique, mon père avait mis la radio dans le magasin pour être tenu au courant, minute par minute, du “coup de torchon” qui n’allait pas manquer d’arriver. Et puis De Gaulle est revenu, a fait un discours retentissant à la télé (“Alors, mon cher et vieux pays”…), il y a eu une grosse manif’ de droite à Paris sur les Champs Elysées (Malraux et Debré en tête, hâves, échevelés, au milieu des tempêtes), et puis tout le monde est parti en vacances. Terminée “la chienlit”.
C’était un beau mois de mai, quand même.