Ferguson, Missouri. Ce qui se passe là-bas est invraisemblable. Neuf jours après qu’un policier ait tué Michael Brown, un jeune noir, non armé, dans la rue, aucun résultat d’enquête sérieux et indépendant n'a encore été diffusé par les autorités, dont on dirait qu'elles font, en l'occurrence, absolument tout pour envenimer une situation déjà extrêmement tendue. Personne n'a dit combien de balles avaient été tirées par le policier (ce qui, pourtant ne devrait pas être bien difficile à déterminer). Le chef de la police du comté a mis une semaine pour dévoiler le nom dudit policier tout en dévoilant fort opportunément que le malheureux gamin tué avait piqué des cigarillos dans une épicerie peu de temps avant sa rencontre fatale avec la police, sans qu'il soit démontré un lien de cause à effet entre ce larcin, l'intervention du flic et la mort du jeune homme. Une deuxième autopsie du jeune homme a été pratiquée (pourquoi deuxième ? parce que personne n'a confiance dans le coroner du comté de St Louis, apparemment) et les résultats dévoilés par le médecin qui a pratiqué cette autopsie (le docteur Michael Baden, une célébrité dans son genre) montrent que le gamin a été touché de face par au moins quatre balles du coté droit (bras et poitrine) et deux dans la tête du coté droit dont une tirée de haut en bas, ce qui ressemble fort à une exécution en règle d'une personne agenouillé et les bras levés, en train de se rendre. Une troisième autopsie, demandée par le Ministère de la Justice, va être pratiquée par un médecin militaire. Aucun autre résultat d’enquête n’a été diffusé. La réponse policière aux premières manifestations a été complètement démesurée. Les flics ont déployé leurs panoplies de soldats, gracieusement fournies par le Pentagone, complètes, snipers, armes automatiques et blindés inclus, ce qui a eu pour effet d’amplifier le mouvement de protestation et de lui donner une audience nationale et même mondiale. Depuis neuf jours, ou plutôt neuf nuits, donc, c'est émeutes et pillages et réponses policières violentes, sous les yeux ébahis et scandalisés du monde entier.
On s’étonne de la mauvaise volonté manifeste de la police de Ferguson et plus largement des autorités locales a faire toute la lumière sur cette lamentable histoire et à permettre aux esprits de se calmer. Il est clair que les flics de Ferguson (blancs en majorité dans une communauté noire en majorité) ne veulent pas reconnaitre leurs torts et la faute de leur collègue et qu'ils ne sont pas fâchés de “casser du black et du gauchiste” toutes les nuits. Les citoyens de Ferguson réclament que justice soit faite, ce qui devrait, en fait, aller de soi dans un état de droit. La défiance entre la police (en majorité composée de blancs) et les citoyens de la ville de Ferguson (en majorité noirs) est telle que seule une autorité fédérale pourrait apporter les réponses que les habitants attendent. Mais, en Amérique, toute intervention des autorités fédérales dans les affaires locales est mal vue et il est probable qu'on leur mette pas mal de bâtons dans les roues (voir par exemple le film Mississippi Burning).