La Cour Suprème des Etats-Unis vient de rendre un arrêt très important et très discutable : l'arrêt Burwell v. Hobby Lobby Stores Inc.
Hobby Lobby est une chaine de grandes surfaces qui vend des articles d'artisanat, dont le siège est à Oklahoma City. Il y a 575 magasins Hobby Lobby sur le territoire des USA employant environ 21 000 personnes. Cette chaine de magasins a une particularité : son fondateur et PDG, David Green est Pentecotiste, une variété de protestantisme extrêmement conservatrice. David Green soutient que l'esprit dans lequel fonctionnent ses magasins est chrétien et qu'il a fondé ses affaires selon les principes bibliques.
Aux Etats-Unis les employeurs fournissent souvent une assurance maladie à leurs employés. Il se trouve que la nouvelle loi sur l'assurance maladie obligatoire, surnomée Obamacare, oblige toutes les assurances à rembourser certains soins, dont la contraception d'urgence, communément dénomée pilule du lendemain. L'entreprise Hobby Lobby se trouve donc obligée, à travers l'assurance maladie couvrant ses employés, à rembourser la pilule du lendemain. Ce à quoi le PDG de l'entreprise s'oppose fortement, ses convictions religieuses lui faisant considérer que l'utilisation de la pilule du lendemain est similaire à un avortement. Et d'assigner en justice le gouvernement américain afin de se voir exempter de cette obligation.
De fil en aiguille le litige est remonté jusqu'à la Cour Suprème, qui a rendu, fin juin, par 5 voix (Alito, Roberts, Scalia, Kennedy et Thomas) contre 4 (Breyer, Ginsburg, Kagan et Sotomayor) un arrêt de principe, jugeant que l'obligation de rembourser les médicaments contraceptifs imposait une restriction à la liberté d'exercice des religions aux entreprises privées qui devraient l'appliquer.
Cette décision ouvre une boite de Pandore et le débat public qui a suivi aux Etats-Unis a été particulièrement vif. Les critiques relèvent trois implications principales :
(a) Désormais une entreprise pourvoyant à l'assurance santé de ses employés pourra refuser de rembourser tout ce qui sera jugé contraire à la religion de son patron. Ainsi les employés pourront se voir refuser l'accès aux vaccinations, aux transfusions sanguines, aux soins psychiatriques ou encore aux médicaments contre le SIDA. De même les époux de même sexe pourraient se voir refuser l'accès aux soins dans la mesure où leur employeur serait opposé au mariage gay pour des raisons religieuses.
(b) Est-ce à dire que les entreprises privées ont des convictions religieuses, comme les personnes privées ? Cette décision donnera donc le droit aux dirigeants d'une entreprise d'imposer leurs croyances religieuses à leurs employés, ce qui est bien évidement discriminatoire et contraire à la liberté religieuse.
(c) Si les propiétaires d'une entreprise sont désormais inséparables de leurs entreprises, du fait que leurs convictions religieuses deviennent celles de leurs entreprises, que devient alors la "responsabilité limitée", ne serait-il pas possible alors de les considérer comme responsables civilement et pénalement de l'échec de leurs affaires ?