Le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, récemment réélu, est dans de sales draps. Ce Républicain “modéré”, très populaire dans son État, était jusqu’à maintenant vu comme candidat possible à l’élection présidentielle de 2016. Mais un scandale, dont il essaye laborieusement de se dépêtrer, vient ternir sa réputation et mettre en jeu sa future carrière politique.
Tout a commencé pendant la campagne pour sa réélection au poste de gouverneur. En septembre 2013 le maire de Fort Lee, une bourgade du New Jersey sur les falaises de l’Hudson, exactement en face du George Washington Bridge qui donne accès à Manhattan depuis le New Jersey, refusa de soutenir la candidature du gouverneur, Chris Christie, à sa réélection. En représailles, un ou plusieurs membres du cabinet du gouverneur firent en sorte de fermer toutes les voies d’accès, sauf une, au George Washington Bridge, pendant quatre jours, entraînant des embouteillages gigantesques dans la ville de Fort Lee. Cette fermeture et ces embouteillages eurent des conséquences graves : ambulances bloquées, pompiers empêchés d’intervenir, services de police débordés, cars scolaires englués dans les embouteillages, etc. Une veille dame de 91 ans, victime d’une attaque cardiaque, est même morte parce que les secours, bloqués dans les embouteillages, ne purent parvenir à temps pour lui porter assistance. Les conspirateurs ne furent pas très prudents et dévoilèrent leur satisfaction dans de nombreux e-mails et SMS. Comme le raconte le New York Times :
“Time for some traffic problems in Fort Lee,” Bridget Anne Kelly, a deputy chief of staff to Mr. Christie, emailed David Wildstein, a high school friend of the governor who worked at the Port Authority of New York and New Jersey, which runs the bridge.
Later text messages mocked concerns that school buses filled with students were stuck in gridlock: “They are the children of Buono voters,” Mr. Wildstein wrote, referring to Mr. Christie’s opponent Barbara Buono.
The emails are striking in their political maneuvering, showing Christie aides gleeful about some of the chaos that resulted. Emergency vehicles were delayed in responding to three people with heart problems and a missing toddler, and commuters were left fuming. One of the governor’s associates refers to the mayor of Fort Lee as “this little Serbian,” and Ms. Kelly exchanges messages about the plan while she is in line to pay her respects at a wake.
Une fois le scandale révélé, après avoir été longtemps et farouchement nié par le gouverneur, les adjoints responsables furent virés et M. Christie vint devant la presse faire un show spectaculaire de dénonciation (les adjoints félons l’ayant, selon lui, trahit) et de contrition pour le mal que ses adjoints ont causé, sans que lui, Chris Christie, gouverneur, ait jamais été au courant, bien entendu. Le fait que M. Christie soit connu pour ses coups de tête et ses rancunes politiciennes tenaces ne vient pas aider à croire à son innocence.
Il s’agit ici clairement d’un scandale comme on en voit souvent : des adjoints qui veulent se faire bien voir du patron en font un peu trop et déclenchent un scandale politique qui en vient à menacer l’objet de leur zèle. Le patron en question soutient ses sous-fifres ad cadaver avant de les dénoncer et de les jeter sous la pression. La machine s’emballe et le patron lui-même est impliqué dans l’affaire, au moins pour l’avoir couverte pendant un temps. C’est exactement ce qui est arrivé à Nixon dans l’affaire du Watergate.
Cependant, pour que les adjoints en fassent un peu trop il faut qu’il y ait un climat, disons, qui les porte à ça, une ambiance, un mode de management. Climat, management qui tient à la personnalité du chef. Un chef porté aux coups bas politiques aura les adjoints qu’il mérite, des magouilleurs ou des barbouzes dont on ne peut rien attendre d’autre que des coups bas politiques.
Dans ces cas là une autre question se pose : est-ce que le chef était au courant de la magouille ? Généralement il n’est pas au courant tout de suite, mais ses adjoints, plutôt fiers de leur coup, s’en vantent rapidement auprès de lui. C’est tout le principe d’une telle action, si je veux me faire bien voir du patron il faut qu’il soit informé de mon coup d’éclat sinon ça ne sert à rien. En retour, le patron les soutient, allant parfois jusqu’à tenter d’étouffer l’affaire, jusqu’à ce que la vérité éclate et qu’il ne soit plus possible, sans danger, de les soutenir.
M. Christie voit donc son avenir substantiellement terni par ce scandale, malgré ses dénégations et sa contrition. Comment ne pas voir, en effet, qu’il est, au minimum, un mauvais chef qui ne contrôle pas les actions de ses subordonnés immédiats et qui favorise de telles magouilles politiques pour un enjeu minime (il s’agissait de punir le maire de Fort Lee) avec des conséquences aussi graves pour la population, qui, elle, n’est pour rien dans cette dispute.