Le combat perdu de l'Église
Ces trois mouvements - égalité des droits jusque dans l'intime, déconstruction de l'ordre supposé de la nature, légitimité de l'institution désormais fondée dans la relation des individus - cristallisent ensemble en une exigence irrépressible : celle de la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe, et de leur droit, en adoptant, de fonder une famille.
Face à cette exigence, les argumentaires mobilisés par l'Eglise - fin de la civilisation, perte des repères fondateurs de l'humain, menace de dissolution de la cellule familiale, indifférenciation des sexes, etc. - sont les mêmes que ceux qui furent mobilisés, en leur temps, pour critiquer l'engagement professionnel des femmes hors du foyer domestique ou combattre l'instauration du divorce par consentement mutuel.
Il est peu probable que l’Église puisse, avec ce type d'armes, endiguer le cours des évolutions. Aujourd'hui, ou demain, l'évidence du mariage homosexuel finira par s'imposer, en France comme dans toutes les sociétés démocratiques. Le problème n'est pas de savoir si l’Église "perdra" : elle a - beaucoup en son sein, et jusque dans sa hiérarchie, le savent - déjà perdu.
Danièle Hervieu-Léger, Le Monde (12/01/2013)