lundi 26 mars 2012

Personnages

La lune ce soir est magnifique : un fin croissant rougeâtre, ouverture tournée vers le haut et vers la gauche et au-dessus, très loin, une étoile très brillante, peut-être Vénus. Les trois jours qui viennent de passer ont été particulièrement doux, 20°C. la plupart du jour. Soleil sans nuages. Avec ça nous avons changé d'heure cette nuit, nous sommes passés avec toute l'Europe à l'heure d'été.

Je n'ai jamais été "du matin " mais depuis quelques temps ma tendance à traîner au lit le matin s'aggrave. J'ai décidé d'y mettre un terme : désormais l'heure du lever sera huit heures jour de semaine comme weekend, j'adapterai l'heure du coucher en fonction de la fatigue et de l'envie de dormir ressentie. Je ne crois pas que j'ai besoin de beaucoup d'heures de sommeil. Le problème le plus ennuyeux est que j'ai beaucoup de mal à m'endormir, après ça je dors plutôt bien. Je crois bien que j'ai un problème avec le changement d'état : quand je suis couché je n'arrive pas à me lever, quand je suis debout je n'arrive pas à me coucher, etc.

J'avais un ami (je ne l'ai plus, nous nous sommes brouillé en 1993 pour une raison qui me semble stupide avec le recul et nous ne nous sommes plus revu depuis), j'avais un ami qui souffrait de cette maladie de la résistance au changement d'état mais plus gravement que moi. Son comportement était assez étrange. Il partait au travail le matin vers 10 heures et ne rentrait le soir que vers huit ou neuf heures, parfois plus tard. Quand il rentrait chez lui il ôtait son pantalon (!) et, en slip, assis à son bureau, il faisait ses comptes pendant au moins une heure avant de dîner. Il avait élaboré un tableau extrêmement compliqué pour tenir ses comptes à jour (il était très radin, à sa décharge il faut bien dire qu'il n'avait pas un gros salaire). La gestion au jour le jour de son argent était l'une de ses nombreuses obsessions. Il avait des occupations compulsives difficile à arrêter une fois qu'il était parti dedans. Quand il se mettait à nettoyer sa cuisine, par exemple, après un repas, on savait quand il commençait mais jamais quand il finirait, il en profitait pour nettoyer la cuisine à fond, puis la salle de bain, puis la pièce principale, puis sa chambre, quelque soit l'heure à laquelle il commençait, et ça pouvait durer deux heures. Je me souviens qu'il faisait ça d'une manière quasiment machinale, vaguement robotisée et qu'il semblait ne plus pouvoir s'arrêter une fois qu'il avait commencé. Il mangeait dans sa cuisine, assis sur une chaise devant son frigo ouvert dont il scrutait l'intérieur tout en mangeant, en écoutant les informations à la radio, et parfois les informations le mettaient dans des états de rage intérieure bouillonnante, si quelqu'un était là dans son appartement à ce moment là il n'était pas rare que n'importe quel prétexte soit bon pour déclencher une volumineuse engueulade. Malgré tout il prêtait volontiers son appartement et comme il habitait à Paris nous nous y retrouvions souvent, et même souvent nombreux. Il aimait bien avoir de la compagnie, ne serait-ce que pour passer ses nerfs ou pour qu'il puisse témoigner de ses malheurs et de sa douleur de vivre et nous trouvions pratique d'avoir un pied à terre dans la capitale.

***

Comme d'habitude je n'ai pas fait grand chose ce weekend, ça aussi il faut que ça change. J'ai surtout lu Watergate un roman historique de Thomas Mallon. Roman qui raconte l'affaire du Watergate, bien réelle, et qui mélange les événements qui sont arrivés avec ceux qui auraient pu arriver, offrant ainsi des réponses plausibles aux abondants mystères qui perdurent dans cette affaire d'état. C'est une docu-fiction très bien faite raconté du point de vue d'une abondance de personnages réels qu'on connaît souvent de nom ou dont le nom nous évoque quelque chose (pour ceux qui ont connus, comme moi, l'époque du scandale du Watergate, ou qui s'y sont intéressé à un moment ou à un autre). D'où ce matin une longue session de Wikipédia dans laquelle j'ai revisité tous les personnages, les Howard Hunt, Gordon Liddy, Jeb Magruder, Fred LaRue, Pat Nixon, le président lui-même, John Mitchell et sa femme Martha, John Dean, Charles Colson, Rose Mary Woods la secrétaire du président, ainsi que certains personnages de la haute société de Washington comme Alice Longworth (ce qui m'a amené à m'intéresser à cette femme justement, Alice Longworth, fille ainée de Theodore Roosevelt, qui eut une longue vie sortant de l'ordinaire). Je me disais qu'une telle galerie de personnages serait bien difficile à inventer, tous de médiocres intrigants, des fomentateurs de coup fourrés, des escrocs aux petits pieds ou des aigrefins de haut vol, des barbouzes en mal d'action, des paranoïaques politiques, des personnages de fiction qui ont bien existé.