Vers sept heures du soir il y a eu de l'orage, pas beaucoup d'activité électrique mais une grosse averse de pluie bien drue qui crépitait sur le toit de la maison et sur le Velux. Ça n'a pas duré bien longtemps, un quart d'heure environ. Et depuis il pleut un peu, pas fort. Il fait doux. Le vent a tourné à l'Ouest, chargé d'humidité, c'est ce qui a déclenché les orages avec la chaleur.
Je suis parti ce matin de chez moi et pour une fois j'étais parfaitement dans le timing pour prendre le train. Beaucoup de monde. Les trains étaient pleins. A Tours j'ai pris le TER pour Angers, plein aussi. Ce train s'arrête dans toutes les gares entre Tours et Angers, moi je ne le prends que jusqu'à Port-Boulet (qui n'a rien d'un port, mais qui est un village au bord de la Loire (c'est peut être pour ça qu'il s'appelle comme ça) avec une gare au milieu de la campagne qui a été de tout temps une gare assez importante qui dessert une grande zone allant de Bourgueil à Chinon et la centrale nucléaire d'Avoine). Donc Port-Boulet, pendant longtemps il fallait, quand on arrivait par le train qui venait de Tours, traverser les voies à pieds sur un passage planchéié pour sortir de la gare. Soit le train s'arrêtait juste avant le passage planchéié et attendait que tous les voyageurs fussent passés devant la locomotive pour repartir, soit (quand le train était trop long) les voyageurs attendaient le départ de leur train pour traverser sous la bonne garde du chef de gare qui vérifiait qu'un autre train n'arrivait pas en sens inverse (ce qui se produisait fréquemment). Quand un train arrivait en sens inverse il passait à grande vitesse et l'on frissonnait de l'accident que l'on venait d'éviter. On se hâtait de traverser, c'était dangereux, on le savait bien, on l'avait vu. Quand le train était en gare et qu'on était en retard et qu'on voulait le prendre quand même on ne pouvait tout simplement pas, car on ne pouvait traverser. Bien des gens s'y sont fait prendre et regardaient leur train partir sans pourvoir rien faire. Maintenant il y a un passage souterrain à Port-Boulet. C'est plus sûr, mais moins rustique. De Port-Boulet j'ai déjeuné chez mon frère, pris le café et me suis rendu à L'Essart, pour entamer mon séjour campagnard.
Les voisins vendent leur maison, paraît-il, alors qu'ils l'ont fait construire il y a moins de deux ans. D'après leurs dires ils ne supportent pas la vie à la campagne. C'est plein de bêtes et on se salit les pieds dès qu'on sort. Ces gens là s'enferment chez eux, tous volets fermés, dès huit heure du soir. Ils ont peur de la nature. C'est quelque chose de très répandu la peur de la nature, et pas que chez les citadins. Quand je dis qu'il m'arrive l'été de dormir toutes portes et fenêtres grandes ouvertes sur la forêt qui jouxte la maison, les gens me posent parfois la question : t'as pas peur? Peur de quoi? A la rigueur je pourrais avoir peur des humains, oui, des éventuels rôdeurs, ou même d'un voisin qui serait soudainement devenu fou et qui partirait en killing rampage comme en voit dans les journaux ou de truands désespérés comme dans In Cold Blood, ou encore d'un tueur en cavale comme dans je ne sais plus quel film ou roman, mais de quoi d'autre? Je ne crois pas au surnaturel. Je ne pense pas que Yog Sottoth (le chaos rampant, qui règne certainement dans mon appartement à Paris, vu l'état de celui-ci) vienne me titiller. Et la nature, elle, ne peut rien, sauf catastrophe comme tsunami, séisme ou tornade brutale, contre moi. Les cerfs de la forêt, même en rut, ne sont d'aucun danger. Les renards et les fouines sont dangereux pour les poules et les palmipèdes mais pas pour les hommes (sauf s'ils ont la rage, mais bon...), les serpents dorment la nuit et sont plutôt naturellement timides, voire taciturnes et ont plutôt tendance à éviter les humains (comme à peu près tous les animaux sauvages d'ailleurs). En Touraine il y a assez peu d'ours, de tigres et de loups, voire même pas du tout (sauf dans les zoos et il arrive qu'ils s'échappent, certes). Donc pas de danger de ce coté là. Aucune raison d'avoir peur de la nature sauf cette ancestrale méfiance, probablement inscrite dans les gènes : les premiers humains qui avaient peur de la nature devaient moins s'exposer aux dangers de celle-ci (qui, à l'époque préhistorique était probablement moins négligeables que de nos jours) et donc avoir un avantage pour transmettre leurs gènes de trouillards aux futures générations (sans compter le fait qu'ils devaient s'enfermer dans leur grotte dès huit heures du soir avec leurs femmes préhistoriques et donc faire beaucoup plus de petits néandertals que ceux qui écoutaient les grillons jusqu'à pas d'heures).
Quoi d'autre? L'oie Némoise à une maladie à un oeil, il faut lui mettre des gouttes dans son oeil malade deux fois par jour. C'est une chance qu'elle se laisse faire gentiment. On l'attrape, on lui fait un câlin (elle adore ça) et hop! on lui colle deux gouttes de collyre dans l'oeil. C'est plus facile à faire qu'à un gamin. Où qu'à soi-même. J'ai toujours eu le plus grand mal à me mettre des gouttes dans les yeux. Certaines personne, je les ai vu faire, font ça avec un calme et une assurance remarquable, moi non, je penche la tête visage vers le zénith, je maintien mon oeil ouvert, grand ouvert, avec les doigts et je verse la goutte, sauf qu'elle ne tombe pas dans l'oeil mais sur la joue ou sur la paupière, neuf fois sur dix. L'oie, elle, ne réagit même pas quand on lui verse la goutte dans l'oeil, elle ne ferme même pas l'oeil, ça lui tombe comme ça dessus, sans réactions. Ma soeur pense qu'elle a une allergie. Ou une mycose. Elle a déjà eu ça l'an dernier au printemps, donc ça pourrait bien être une allergie. L'air est saturé de pollen ici, il y en a partout. Je me bourre d'anti-histaminique et pourtant j'éternue et je mouche comme si j'avais un coryza géant. Et je tousse aussi. J'ai peut-être la tuberculose. Une partie de ma famille a eu la tuberculose, c'était même quasiment une tradition familiale du coté de mon père (au siècle dernier et avant la deuxième guerre mondiale), depuis on a inventé le BCG et les scarifications rituelles sur l'avant bras. Mais avant ça, dans ma famille, on se barrait de la caisse.