Sautons du mardi au samedi sans vergogne.
De retour à Saint-Benoit-La-Forêt. Les feuilles commencent à se teinter de jaune doré, mais l'impression d'été tient encore. Il fait frais le soir et la nuit, et le matin la brume s'accroche dans les parties les plus basses du paysage. Le soleil met plus longtemps qu'au mois de Juillet à réchauffer la campagne. Il y a une poule de plus, une belle rousse à la queue blanche, serrée de près par le coq nain. Cette après-midi je les regardais, ils étaient tous deux, le coq et la nouvelle poule, couchés l'un contre l'autre, à l'ombre d'un taillis, et se nettoyant les plumes mutuellement. Je distingue bien, maintenant, deux cris de l'oie : le cri d'alarme rauque et le cri de reconnaissance ou de conversation plus doux. Ce matin j'ai entendu le sifflement d'un rapace, peut-être une buse, qui a inquiété la basse-courre et cette après-midi alors que j'écrivais dans une chaise-longue j'ai surpris du coin de l'oeil un magnifique faisan mâle qui s'approchait du poulailler d'un pas lent, prudent et plein d'hésitations, pour picorer le grain que j'avais mis aux poules. Ce soir c'était une chouette qui hululait dans la nuit. Je ne connais rien d'aussi simplement beau et mystérieux que le chant de la chouette. Je suis surpris par la réaction de certaines personnes qui trouvent ça lugubre et effrayant, ce n'est ni l'un ni l'autre pour moi. Comme les chauves-souris dans leur genre les chouettes sont des animaux fascinants, elles ont une ouïe particulièrement développée, elles chassent exclusivement à l'oreille, repérant au bruit les rongeurs minuscules dont elles se nourrissent. Leurs plumes ont une structure particulière qui leur permet de voler sans aucun bruit. En fait beaucoup de gens ont peur de la nature, ils racontent leurs phobies des insectes, des fourmis et même des papillons, leur peur des araignées ou des serpents. Bien peu d'entre nous serait capable d'aller se promener dans les bois la nuit par exemple, alors qu'on y est en parfaite sécurité, au moins dans nos régions, et à l'abri des hommes. Pour en revenir aux bruits de la campagne : ce matin de bonne heure alors que j'étais encore au lit c'est le martèlement d'un pic-vert qui m'a réveillé, puis les grenouilles de la marre ont donné de la voix suivis par les cris des geais qui se chamaillaient. Tous ces bruits sont mille fois plus agréables que les sons humains : un peu plus tard les ouvriers sont venus sur le chantier de la maison en construction à coté, ils ont mis un transistor qui a commencé à déverser la musak habituelle puis ont fait tourner une bétonnière de temps à autre (pas tout le temps heureusement). Vers six heures du soir ils ont quitté le chantier et le grand calme est revenu, le silence épais de la campagne.