Jusqu'à aujourd'hui le parlement (la Chambre des Communes) en Grande Bretagne était dominé par deux grands partis: le Parti Conservateur (Tory) et le Parti Travailliste (Labour). Il existait bien un troisième parti, le Parti Libéral Démocrate (LibDems) qui occupait une place centriste par rapport aux Tories à droite et au Labour à gauche, mais qui était si minoritaire qu'il ne présentait strictement aucun danger pour les deux "grands" et n'avait aucune influence sur le gouvernement du pays. De la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à 1997 les LibDems n'ont jamais eu plus de 12 députés à la Chambre, ce qui est maigre quand on sait que le parti majoritaire a entre 300 et 400 députés et le second parti a entre 100 et 200 députés. Puis, en 1997, lors de la première élection de Tony Blair les Libéraux-Démocrates eurent soudain 46 députés, pris dans les circonscriptions Tories, essentiellement, et ce, en recueillant 17% des voix. Depuis ces élections de 1997, le Parti Libéral-Démocrate n'a cessé de gagner des sièges: 52 députés en 2001, 62 députés en 2005, conquis, cette fois, dans les circonscriptions Labours. En part de suffrages la croissance a été aussi constante: 18% en 2001 et 22% en 2005.
À la veille des élections de 2010, qui auront lieu demain, les Libéraux-Démocrates sont gratifiés dans les sondages de plus ou moins 25% des voix. Mais à cause du système électoral britannique (uninominal à un tour: celui qui arrive en tête dans la circonscription gagne le siège, quelque soit son score), les LibDems ne devraient obtenir qu'entre 70 et 80 députés, alors que le Labour est crédité de 29% et de plus ou moins 270 députés et les Tories de 35% et plus ou moins le même nombre de députés que le Labour! Ce qui constituerait une injustice flagrante pour les LibDems et pour les Conservateurs et un parti majoritaire à la chambre qui aurait une part de suffrages moindre que le parti vainqueur. Mais comme il est probable qu'aucun parti n'ai la majorité absolue de 326 députés à la Chambre des Communes, pour former un gouvernement l'un des deux "grands" partis aurait à composer avec les Libéraux-Démocrates pour former une coalition.
On se rend compte combien le système électoral britannique est étrange: il permet à un parti qui n'obtiendrait que 30% des voix d'avoir plus de sièges que celui qui en recueille 35%! C'est la fameuse règle du first past the post qui joue: dans chaque circonscription, celui qui arrive en tête est élu quelque soit son score. Le score national en part de suffrages compte beaucoup moins que le score circonscription par circonscription. C'est pratique dans un paysage politique composé de deux partis, ça crée de solides majorités à la Chambre. En France, pour les élections législatives, nous avons un scrutin uninominal à deux tours, ce qui fait que le député élu l'est forcément avec plus de 50% des voix et que les équilibres nationaux sont mieux respectés (encore que en France aussi les "petits" partis soient peu représentés à cause de ce système). L'alternative est le scrutin de liste proportionnel, avec plus ou moins de proportionnalité, mais ce système ne dégage que rarement de majorités absolues et est souvent un handicap pour gouverner, forçant à des compromis et des alliances complexes et instables.
La montée des Libéraux-démocrates va-t-elle mettre fin au bipartisme britannique? Peut-être. Il faudra alors qu'ils réforment leur système électoral afin d'introduire un peu de proportionnalité. En adoptant un système à la française? Ça serait amusant de voir ça!