La campagne électorale américaine est décidément pleine de surprises. en fait c'est une sorte de grand spectacle avec son suspens et ses rebondissements. Ce qui est un peu effayant d'ailleurs puisque l'élection désignera le patron du pays le plus puissant de la planète. Mais à la limite, cet enjeux même ajoute du piment au spectacle.
Donc la Convention Républicaine s'est ouverte hier, perturbée par l'atterissage de l'ouragan Gustav sur les côtes de Louisiane. Plutôt que d'entrer en compétition avec l'ouragan pour le temps d'antenne, les Républicains on préféré transformer le premier jour de la convention en une collecte de charité envers les victimes potentielles du cyclone. Mais les Républicains ont aussi choisi ce jour médiatiquement chargé pour révéler un fait un peu gênant concernant la nouvelle colistière de John McCain, Sarah Palin : la fille de celle-ci, Bristol Palin, mineure de 17 ans et célibataire est enceinte de 5 mois. Pour une candidate qui prône la morale chrétienne stricte et l'abstinence, qui est farouchement contre la contraception ça fait un peu désordre. D'autant qu'elle ne prône pas seulement cette morale pour elle même et sa famille mais aussi pour la société en général. Les spin-doctors du GOP employaient hier toute leur énergie à essayer de tourner cette révélation à leur avantage. Les Démocrates répondaient habilement à cette nouvelle par une variation de la vieille ritournelle bien connue chez nous par le sketch des Inconnus : "ça-ne-nous-regarde-pas". Et ce n'est pas tout : on commence à apprendre des choses intéressantes sur Madame le gouverneur Palin. Qu'elle est melée à une histoire de trafic d'influence pour laquelle elle a même loué les services d'un avocat; qu'avant d'être contre et de faire abandonner le fameux projet surnommé "bridge to nowhere" (projet pharaonique ($398 millions) de construction d'un pont entre la ville de Ketchikan en Alaska (7 368 habitants) et l'île voisine qui héberge son aéroport, destiné en fait à capter de l'argent fédéral) et de s'en vanter comme un haut fait, elle avait été tout à fait pour et qu'elle n'a tourné casaque que quand il s'est avéré que la part de financement fédérale était moindre que prévu; qu'elle a augmenté les impôts locaux de la petite ville dont elle était maire, et ainsi de suite. Les journalistes d'investigation se régalent. Et tout le monde de se demander comment l'équipe électorale de McCain a préparé le choix de la colistière. En la matière on cite l'exemple de la campagne de Kerry lorsqu'il avait choisi Edwards comme co-listier : une enquête précise et fouillée avait été conduite sur la personne d'Edwards et tous ses antécédents personnels et professionnels et un collège d'avocats et de spin-doctors avait préparé un argumentaire complet sur les réponses à apporter à toutes les attaques possibles et imaginables contre la personnalité, la morale et la carrière du candidat. Ce processus s'appelle "vetting" en langage politique US. Il semble clair que la sélection de Palin a été un coup de poker ou un coup de tête plus qu'un processus longuement instruit et mûri. La façon dont Palin a été choisie comme co-listière en dit par ailleurs long sur la façon de travailler et du candidat et de son équipe de campagne. McCain a une réputation de non-conformiste, de rebelle, mais il est aussi réputé pour ses coups de tête et ses coups de gueule, un type impulsif qui ose tout. En choisissant Palin sans la connaître vraiment, sans avoir minutieusement vérifié ses antécédents, McCain montre à la fois qu'il est anti-conformiste mais aussi qu'il est sujet aux décisions à l'emporte-pièce, irréfléchies et désinvoltes, ce qui n'est pas recommandé pour un futur président des USA. Kevin Drum fait un intéressant commentaire sur la mentalité des stratèges républicains qui auraient, selon lui, cédé à l'impulsion de faire un coup, un bon tour aux Démocrates pour leur voler la vedette et le temps d'antenne, s'attirer l'électorat des femmes déçues de la défaite d'Hillary Clinton lors des primaires Démocrates et contenter l'extrême droite chrétienne évangélique. Cette manoeuvre est en plus destinée à mettre dans l'embarras les Démocrates et Joe Biden en les mettant sur la corde raide vis à vis de Palin car au moindre signe de condescendance ou de paternalisme ils seraient immédiatement traités de sexistes. Un coup de billard à trois bandes.
Reste à savoir si la candidate à la vice-présidence ne traînera pas des casseroles qui finiront par gêner McCain ou ne fera pas quelques gaffes énormes, vu son manque d'expérience politique et le stress et l'attention permanent, à ce qu'on dit, qu'exige la campagne électorale.