C'est fou ce que la vie isolée et proche de la nature peut faire rêver et désirer les gens! Pas étonnant que ce soit un argument commercial fallacieux. Et sans que personne ou presque n'ai lu le Walden de Thoreau, hein, faut pas pousser! Nous vivons l'âge du Bien, et aller vivre dans le trou du cul du monde c'est Bien (mais pas trop loin quand même de la civilisation et avec pas mal de facilités technologiques discrètes mais écolos).
Pour mettre un bémol au bel unanimisme sucré et mettre un peu de pagaille dans le consensus qui a suivi la diffusion d'un reportage sur les nouveaux habitants de l'île de Quémenès je dirai que je connais bien l'archipel de Molène où est planté cette petite île pour y aller plusieurs fois par an depuis 23 ans. J'aime beaucoup cet endroit, qu'on ne s'y trompe pas, mais je sais qu'y vivre à l'année n'a rien de folichon. Pourquoi croyez vous que les goëmonniers aient quitté ces îles enchanteresses dès qu'ils le purent? Oh! bien sûr, c'est très sympa d'aller y passer la journée par beau temps, l'été et de rentrer le soir au Conquet pour manger une crêpe et aller boire une bière au bistro! Figurez-vous que la météo y est rarement enchanteresse (au moins 11 mois sur 12), avec des tempêtes à répétition, de la pluie fine et pénétrante qui dure des journées entières que parfois on croit ne plus voir le jour tellement il fait sombre entre le matin et le soir, de l'air tellement saturé d'humidité qu'on a l'impression d'être en permanence dans une lessiveuse ou dans le tambour d'une machine à laver, où rien ne sèche à l'extérieur, le bruit infernal que font les colonies de goëlands sans compter les collines de guano pestilentielles qu'il laissent, et l'odeur peu agréable mais permanente du goémon qui pourrit.
En ça nos îliens ont bien du courage d'habiter dans un tel trou. A lire les commentaires de leur blog ils vont avoir un problème de plus à vivre sur leur île déserte : les visites estivales de bobos extasiés par le retour à la nature qui viendront piétiner leurs plates-bandes et dégueulasser leurs plages.