de l'utilité de la mauvaise foi
Seuls les naïfs peuvent croire qu'une discussion vise à résoudre un problème ou à éclaircir une question difficile. En réalité sa seule justification est d'éprouver la capacité des participants à désarçonner leur adversaire. L'enjeu n'est pas de vérité, mais d'amour-propre. Le beau parleur l'emporte sur le bafouilleur, le téméraire sur le timide, le fonceur sur le scrupuleux. Être de bonne foi équivaut à additionner les handicaps, le scrupule s'ajoutant à le circonspection pour alourdir la langue. Qu'est-ce que la bonne foi? Une conduite d'échec, un véritable suicide... Les débatteurs sérieux parlent sans écouter, piétinent tout raisonnement non conduit par eux-mêmes, méprisent les oppositions, ignorent les obstructions et arrachent, en quelque sorte, la victoire à la force du mot.
Georges Picard - Petit traité à l'usage de ceux qui veulent toujours avoir raison (José Corti - Éditeur)