La bataille électorale fait rage. Je la regarde un peu de loin. Les candidats sont partis à la pêche aux voix, ils flattent leurs clientèles et essayent d'empiéter sur le territoire des adversaires. Ils se suivent, se cherchent, s'observent, se font des coups fourrés, de basses manipulations, de petites navigations. C'est amusant un moment mais après on pense à ce qui va se passer réellement quand l'un d'eux sera élu. On rigole moins.
À voir une extraordinaire vidéo : une leçon de photographie par le formidable Winogrand. C'est fascinant de le voir faire de la photographie de rue, il est d'une rapidité stupéfiante avec son Leica, les gens sont encore à se demander s'il les a pris en photo (quand ils s'en rendent compte) qu'il est déjà parti plus loin, photographier autre chose. Et pourtant il a cadré, et bien cadré, et il a shooté. Son air excentrique et débonnaire à la fois fait que personne n'ose rien lui dire (son gabarit joue aussi, j'imagine). Il prend des photos avec un plaisir évident et il en prend des milliers. Il ne les développe qu'un an après les avoir prise, pour ne pas se laisser influencer par les circonstances dans lesquelles il a shooté. Lorsqu'il est mort, à 56 ans, d'un cancer, il a laissé près de 300 000 photos non tirées et dans bien des cas non développées. La vidéo est en anglais et Winogrand a un accent à couper au couteau, mais une transcription permet de se faire une idée de la sagesse du bonhomme.
It always fascinates me - it bolloxes my mind, I mean, when people talk about photographs in depth, and what not, you know, when all a photograph does is describe light on surface. That’s all there is. And that’s all we ever know about anybody. You know, what we see. I mean, I think we are our faces and whatever, you know? That’s all there is, is light on surface.
I don’t lay myself down on the couch to figure out why I’m a photographer and not this or that. Whatever it is, I can’t seem to do enough of it. It’s a pleasure.
Garry Winogrand