samedi 17 août 2019

Chronique hospitalière

Je commence à perdre la notion du temps. Voyons : je suis arrivé à l’hôpital (aux urgences), mardi après midi le 6 août. Je suis resté aux urgences le mercredi et j’ai été transféré en SSR le jeudi 8 août. Première douche lundi 12, seconde douche mercredi 14. Nous sommes le 18. Je ne vois pas le temps passer. Dans un sens c’est plutôt bien, dans l’autre c’est un peu inquiétant, ça veut dire que je perds la notion du temps qui passe. J’ai établi une sorte de routine, le matin je me lève sur les coups de neuf heures, je prend mon petit déjeuner, je fais ma toilette (ce qui demande du temps quand je prends une douche), je vais à la kiné, je déjeune à midi. Après cela je fais une sieste dans mon fauteuil, d’une heure environ puis je m’installe à la cafétéria où je bois un café. et où j’écris, je réfléchis, je rêvasse, je lis un peu et écris encore quand je n’ai pas un visiteur. Vers 16 heures je mange un Magnum et je bois un soda ou de l’eau. A 18 heures c’est le dîner. La soirée est passée à lire et le coucher intervient vers 23 heures. Et le lendemain on recommence.

La pluie tombe, poussée en grands rideaux par un vent du sud-ouest. Je suis assis à ma place habituelle à la cafeteria face aux quatre pins de Tringuebrenilles, c’est ainsi que j’ai décidé de les appeler. Ces pins sont entourés par des feuillus plus petits aux feuilles d’un vert plus clair et plus jaune. Derrière on devine une forêt de pins sombres. C’est un beau spectacle dont je ne me lasse pas. L'armée américaine qui a décidé de construire cet hôpital en 1956 en plein milieu de la forêt a eu une riche idée de le faire là. Le cadre est magnifique. C'est bien un truc d'Américain de ne pas s'emmerder avec la nature et de défricher trente hectares de forêt à coup de bulldozer pour y mettre leur hôpital. Pourquoi là ? Pourquoi pas puisqu'on peut le faire. C'est avec une mentalité comme ça (que personnellement je trouve très amusante) qu'on construit une ville comme San Francisco en blocs carrés sans se soucier du relief complètement inadapté à ce genre d'urbanisation. "Tu as vu le bout de forêt au bord de la route de Tours, c'est là qu'on va mettre notre hosto" ! "Mais, patron c'est de la forêt bien épaisse là !" "M'en fous, c'est l'endroit idéal, tu as besoin de combien de bulldozers ?"

La dame qui a le bras en écharpe (mais rien d’autre qui semble ne pas aller) fais constamment la navette entre sa chambre (qu’elle partage avec une dame très âgée et manifestement à la dernière étape avant le cimetière) et un fauteuil du hall d’entrée. Elle s’assoit quelques minutes sans rien faire puis elle retourne à sa chambre, et ainsi de suite. Je la soupçonne de s’emmerder d’une force ! Quand on ne peut ni lire ni écrire, on doit s’emmerder fortement dans cet hôpital. La plupart des malades regardent la télé toute la journée ça les abrutis je pense et en plus on doit leur donner des médicaments pour calmer leurs douleurs ou leurs angoisses ce qui doit être à l’origine du regard hébété qu’ils ont la plupart du temps.