jeudi 10 mai 2018

Forcer un changement de régime

La raison de la décision de Trump est assez simple à comprendre : forcer un changement de régime à Téhéran. Pour ça il faut dénier à l'Iran le droit de rentrer dans le concert des nations et jouer le jeu des Saoudiens et de la droite israélienne. On en revient toujours aux bonnes (?) vieilles solutions des faucons néo-cons qui nous avaient déjà entraîné en 2003 dans la guerre et l'invasion de l'Irak (avec les résultats que l'on sait). Sur ce sujet je suis d'accord avec l'analyse de Stephen Walt.

Traduction de l'américain par mes soins.

La décision de Trump n'est pas basée sur le désir d'empêcher l'Iran d'obtenir une bombe nucléaire. Si tel était le cas, il serait beaucoup plus logique de rester fermement attaché à l'accord et éventuellement de le négocier pour le rendre permanent. Après tout, l'Agence internationale de l'énergie atomique (qui surveille et inspecte les installations iraniennes) et les services de renseignements américains conviennent que l'Iran respecte pleinement le JCPOA depuis sa signature.

La décision de Trump n'a pas non plus été motivée par le désir de contrer les diverses activités régionales de l'Iran, comme son soutien au régime de Bashar al-Assad en Syrie et au Hezbollah au Liban. Si tel était son but, la ligne de conduite sensée aurait été de rester dans l'accord (qui empêche l'Iran de passer au nucléaire) et d'aligner d'autres pays pour rejoindre les Etats-Unis et faire pression sur l'Iran sur ces sujets de préoccupation. Non seulement Trump trouvera-t-il impossible de réunir la même coalition multinationale qui a produit le JCPOA, mais l'Iran sera doublement réticent à négocier avec les États-Unis maintenant que Trump a montré que la parole de l'Amérique ne peut tout simplement pas être digne de confiance.

Alors, que se passe-t-il? C'est simple: abandonner le JCPOA est basé sur le désir de "garder l'Iran dans la catégorie État voyou" et de l'empêcher d'établir des relations normales avec le monde extérieur. Cet objectif unit Israël, l'aile dure du lobby israélien (par exemple, le Comité américain des affaires publiques d'Israël, la Fondation pour la défense des démocraties unies contre le nucléaire iranien) et les faucons dont le conseiller à la sécurité nationale John Bolton et le secrétaire d'État Mike Pompeo , et plein d'autres. Leur grande crainte était que les États-Unis et leurs alliés du Moyen-Orient finissent par reconnaître l'Iran comme une puissance régionale légitime et lui accorder une certaine influence régionale. Il ne s'agit pas d'une domination régionale, ce que l'Iran ne cherche probablement pas, mais de la reconnaissance que l'Iran a des intérêts régionaux et que ses préférences doivent être prises en compte lorsque d'importantes questions régionales sont résolues. Ceci est un anathème pour les faucons américains, dont le but principal est d'assurer que l'Iran reste un paria isolé pour toujours.

(...) Les faucons voient deux voies possibles au changement de régime en Iran. La première approche repose sur l'intensification de la pression économique sur Téhéran dans l'espoir que le mécontentement populaire grandira et que le régime clérical s'effondrera simplement. La deuxième option est de provoquer l'Iran à relancer son programme nucléaire, ce qui donnerait à Washington l'excuse pour lancer une guerre préventive.