vendredi 9 janvier 2015

Cabu

Phersv dit tout ce je ressens exactement à propos de Cabu (et de Charb aussi) et qui explique pourquoi je suis triste et en colère :
C'est la première fois qu'un attentat ne me semble pas frapper seulement des individus ou un symbole mais quelqu'un que j'avais toujours eu l'impression de considérer comme un ami sans le connaître, depuis les vieux Pilote de 1968. Cela n'aide pas tellement à permettre une débat dépassionné.
Cabu n'était pas seulement quelqu'un de visiblement si bon. Il était peut-être le plus grand dessinateur de presse français de tout le siècle dernier (qui pourrait lui être comparé ?) et il savait saisir quelque chose dans sa caricature qui devait paraître forcément violent dans sa vérité. Il dessinait sans cesse et tout talent ne peut que choquer car il semblait réussir à éviter les pudeurs de l'auto-censure (même s'il n'a cessé de réfléchir à certains cas limites et finit par renoncer par exemple à l'humour noir facile qui se servait de racourcis sur certains handicaps physiques).
La question est celle du sacré dans nos sociétés sécularisées. On nous accuse de ne rien garder de sacré, de ne plus avoir le sens du sacré et aujourd'hui on entend certains se moquer du fait qu'on aurait sacralisé les blasphémateurs. Mais c'est que le droit au blasphème devient d'autant plus sacré qu'on veut mettre quelque chose en dehors de toute critique. Si on veut interdire le blasphème par politesse ou courtoisie en craignant de blesser ce qui relève du sacré, on arrive aussi à interdire la critique en général. Charb et Cabu ne cessaient d'expliquer cette pente et quand on dit qu'ils mettaient de l'huile sur le feu ou qu'ils étaient irresponsables on oublie encore que ce qu'ils faisaient n'était pas que de la provocation gratuite mais bien quelque chose de nécessaire.
Ce style de dessin n'existe pas dans de nombreuses traditions graphiques - les Américains n'ont pas vraiment d'équivalent par exemple, ce qui explique souvent leur incompréhension et je m'étonne d'ailleurs finalement que certains humoristes comme Jon Stewart ait pu quand même si vite comprendre les enjeux pour apporter un soutien aussi inconditionnel.