mercredi 26 février 2014

Première classe

Ma première classe était dans l’ancienne prison de Chinon, derrière la gendarmerie. Deux grandes cours cernées de murs très hauts et un bâtiment au milieu, d'un seul étage. Au rez-de chaussée, les douzième et onzième de Madame Tassonaud, la dizième de Mademoiselle Launay, la huitième de Monsieur Cadieu, à l’étage la neuvième de Madame Elmer et la septième de je ne sais plus qui. C’était en 1963, j’avais 6 ans et quelques mois. Je n’avais jamais été à l’école maternelle (enfin si, deux jours, à l’École Jeanne D’Arc, ça c’était très mal passé, j’avais fait de la résistance et ma mère avait décidé d’arrêter les frais). En septembre 1963 plus moyen d’y couper, il a fallu me tirer, en pleurs, jusqu’à l’école. Très vite après le premier matin je m’y suis fait. Mon père m’enmenait et ma mère venait me chercher. Madame Tassonaud était la maîtresse. J’ai appris à lire et à écrire dans cette classe.

En dehors de ce jour terrible de la rentrée des classes je ne me souviens pas de beaucoup de choses. J’ai eu quelques bons points, après cinq bons points on avait une image, j’ai eu quelques images. Je me suis fait des copains, Gaël Bisson, Elisabeth Roth — la fille du docteur Roth dont il faudra que je parle un jour — , Bruno Garrivet, Patrick Dumont, Philippe Viaud et d’autres dont j’ai oublié les noms. Quelques ennemis aussi, sûrement. Nous portions des blouses, bleues pour les garçons, roses pour les filles. Dans la cour, à la récréation, on jouait aux osselets ou aux capsules, les filles jouaient à la marelle ou sautaient à la corde. Certains avaient des appareils dentaires, je trouvais ça barbare et ne voulais pas en avoir, pourtant j’aurais dû car mes dents d’en bas mal plantées le sont restées. Certains offraient des fleurs à la maîtresse, je me souviens de Gaël Bisson, un tout petit bonhomme, allant offrir une jacinthe à la maîtresse, pour le premier de l’an. Venant du fond de la classe jusqu’au bureau de Madame Tassonaud, sa plante à la main, il était rouge comme une pivoine et dit d’une toute petite voix : “bonne année maîtresse !” Offrir des fleurs à la maîtresse est devenu une mode. Son bureau s’est couvert de fleurs et de plantes en pot. Fin juin il y a eu la cérémonie de remise des prix, dans la grande salle d’honneur de la mairie. Tous les élèves de l’école de la République réunis dans la salle avec leurs parents, des petits du primaire aux grands du secondaire. Sur la scène, comme au théâtre, le corps enseignant en tenue d’apparat. Quand tu as un prix on appelle ton nom, tu montes sur la scène et tu reçois ton prix et ta récompense, les félicitations de tous les officiels en rang d’oignon et l’embrassade de ta maîtresse émue au larmes, toute la salle t’applaudis. Cette année-là Elisabeth Roth a obtenu le prix d’excellence, moi juste un accessit. La récompense était un livre de la Bibliothèque Rose, je ne me souviens plus lequel. L’année suivante Elisabeth Roth avait disparu et je ne l’ai plus jamais revu. Je ne l’ai retrouvé que récemment grâce à Internet, en faisant des recherches sur son père.

Qu'est-ce qu'avoir de l'esprit ?

Le XVIIIe siècle, si expert en la matière, l’a défini comme "raison ingénieuse", "raison assaisonnée" , raison prompte. Il a insisté, avec Voltaire, sur les grains de sel discrets mais pinçants, les indirects chorégraphiques, les sautes logiques en accéléré de la mécanique spirituelle, habile à laisser dans l’implicite des pensées intermédiaires, à charge au bon entendeur de les rétablir. Manière d’atténuer le fait fondamental que l’esprit, tout comme la moquerie ou l’ironie, suppose une dimension agonistique, une agression par le rire, moins raide et cinglante que l’ironie, plus biaisée que le bon gros comique, moins faussement flegmatique que l’humour. Autres ingrédients obligés : un jeu raffiné avec la langue, ses finesses, ses vertus d’allusion, de double sens, ses perversions autonymiques ; une scénographie à plusieurs actants, pouvant se manifester sous deux formes : soit in vivo, dans une conversation ayant pour cadre un espace de socialité restreint, avec des femmes pour public, auxquelles cette escrime est destinée à titre de joute séductrice (mais qui la pratiquent en retour avec une égale agilité) ; soit virtuellement, quand l’esprit n’est plus mot d’esprit conversationnel mais jeu étincelant du texte, transposé du salon dans cette société virtuelle qui unit auteur et lecteur.
José-Luiz Diaz. "Avoir de l'esprit". L'Année balzacienne 2005/1

Questions de goûts

Avant-hier, le stagiaire m'a offert une bouteille d'eau de vie, distillée par son père, bouilleur de cru officiel. Pour me remercier de l'aide que je lui apporte. Il a insisté, je n'ai pas pu refuser. J'ai caché la bouteille dans un tiroir de mon bureau. Je ne sais que faire de cette bouteille de gnôle. Ah oui ! la boire ! Mais je n'aime pas la gnôle, c'est trop fort, je n'aime pas le goût. C'est de la mirabelle à 42°, m'a-t-il dit. Un tord-boyaux.

Ce matin un collègue a évoqué cette soupe de vin chaud avec du pain qu'en Poitou on appelle la "rôtie". J'y ai gouté une fois, il y a longtemps. C'est pour des plats comme ça qu'on a inventé le mot "dégueulasse". Il faut mélanger de l'eau, du pain, du vin et du sucre et faire chauffer le tout. Servir quand c'est chaud. Le goût et la consistance de cette mixture sont très pécisement ceux du vomi d'ivrogne. Le mot immonde est encore trop faible.

jeudi 20 février 2014

Carte du XIVème sciècle

Dans son magnifique Histoire des lieux de légende, Umberto Eco montre cette magnifique carte issue du Livre des propriétés des choses de Bartholomaeus Angelicus (1392)

 

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Un p'tit rennes aux bois fluos

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Les lapons rendent les bois de leurs rennes fluorescents pour éviter que les voitures les percutent !

Sur une population de 200 000 rennes en Finlande, près de 4000 meurent chaque année sur les routes. D’où cette mesure originale pour enrayer le massacre. Par contre c’est de nature à vous flanquer une trouille mortelle quand vous en rencontrez un sur les routes isolées du grand nord finlandais !

Photo : Reindeer Herders' Association (of Finland)

mercredi 19 février 2014

Citywide Dispatch

Ces temps-ci je mets souvent en fond sonore “You are listening to Los Angeles”, qui consiste en la superposition d’un streaming de la fréquence centrale du LAPD et de la musique de style “ambient” streamée à partir de Soundcloud. Bon. Je trouve ça très relaxant, le ronron des communications des flics que je comprends à peine (il vaut mieux car, si on y prête attention, c’est sinistre) et la musique planante. Les voix des flics sont très neutres, détachées, voire d’un calme rassurant (et étonnant). C’est Southland en direct !

Au travail j’ai hérité d’un stagiaire. Enfin, pas tout à fait, le pauvre garçon a atterri sur le bureau à coté du mien et comme son superviseur de stage est dans un autre bureau assez loin et n’a pas le temps de s’occuper de lui il a bien fallu que je l’aide un peu. Il est en Mastère 2 de Droit, ce qui correspond à ce qu’était de mon temps le D.E.S.S.  J’ai du mal à m’empêcher de penser, vu ses méthodes de travail et la façon dont il structure ses idées, que le niveau baisse ou a baissé entre le temps où j’étais étudiant et maintenant. Il a beaucoup de mal à trouver une méthode pour ses recherches (c’est en fait moi qui, par compassion (ma légendaire compassion !) lui ai donné quelques clés, pour qu’il ne perde pas trop de temps. Il en bave littéralement pour écrire un Email simple (il ignore en plus toutes les règles élémentaires de typographie, mais ça je suppose que personne n’a pris le temps de lui apprendre). Il écrit tout sur des post-its qu’il colle ensuite sur une feuille de papier (bon après tout c’est une méthode comme une autre, si ça lui convient !). Accessoirement il ne sait pas se servir d’Excel — moi non plus en 1980, mais j’avais une excuse !

Dans l’épisode quatre de True Detective (j’ai oublié de regarder l’épisode de cette semaine, il faut que je rattrape ça) un plan séquence de 12 minutes (sans coupes donc) pour une scène très violente et plutôt haletante. Du très grand cinéma. Dans une série. M’a rappelé le plan séquence époustouflant au début de Breaking News de Johnny To (la fusillade dans un quartier populeux de Hong Kong avec la caméra qui  rentre par une fenêtre dans l’appartement des gangsters, traverse l’appartement, avant de sortir par une autre fenêtre et de descendre dans la rue).

lundi 17 février 2014

Une entaille dans l'univers

Steve Jobs avait des idées marketing géniales, il avait trouvé le moyen de suggérer aux gens que leur vie aurait un sens s'ils achetaient un ordinateur de marque Apple. L'idée était remarquablement simple et tenait dans un bref slogan : "faire une entaille dans l'univers". En gros : achetez une machine de marque Apple et vous deviendrez un génie créatif qui changera le monde. C'est assez gros comme ficelle pour faire vendre des machines électroniques mais il faut reconnaître que d'un point de vue marketing ça a formidablement fonctionné. C'est un slogan génial et gonflé, génial parce qu'il correspond au désir profond de l'être humain : donner un sens à sa vie, gonflé parce que c'est un mensonge tellement énorme et évident qu'on se dit, à froid, qu'il ne passera jamais. Et pourtant il passe !

En réalité tout le monde sait bien que les gens naissent, s'efforcent de survivre, se reproduisent (dans le meilleur des cas) et meurent sans faire la moindre entaille dans l'univers. Une infime minorité aura le génie, ou la chance, de faire quelque chose qui va marquer l'histoire ou la culture et, dans le meilleur des cas, influencer l'évolution de l'humanité et parmi ces gens un tout petit nombre, minuscule, marquera assez pour laisser une petite trace de son passage. Sans oublier qu'une partie de ceux qui auront fait une entaille dans l'univers l'auront fait en mal, voire en mal absolu (et on se souviendra encore mieux et plus longtemps de ceux qui ont fait le mal que de ceux qui ont fait le bien).

Et même cette idée de faire une entaille dans l'univers est vraiment, au fond, une idée de nantis, de "premier monde". Une écrasante majorité d'êtres humains n'a qu'un objectif : survivre au jour le jour, nourrir et protéger sa progéniture. Donner un sens à sa vie est une idée pour ventres pleins.

dimanche 16 février 2014

Une éclaircie

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Quand on se rend compte que le fragile édifice psychique que l’on construit tous les matins pour fonctionner un minimum peut être balayé par une banale, courte, et très inoffensive maladie (seulement désagréable, tout au plus), on se dit qu’il y a quelque chose à faire pour mettre son mental un peu plus en ordre de bataille de façon à faire face aux ennuis plus graves qui ne manqueront pas d’arriver avec le vieillissement inéluctable des cellules. Et on se rend compte aussi qu’il y a pas mal de nettoyage à faire pour repartir sur des bases saines.

samedi 15 février 2014

C'est un peu trop

Ce soir à 6 heures à Paris.

Parfois on aimerait être ailleurs.

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Ghosts of the Tsunami

 Un article fantastique sur la mort et le culte des morts au Japon au XXIème siècle

I met a priest in the north of Japan who exorcised the spirits of people who had drowned in the tsunami. The ghosts did not appear in large numbers until later in the year, but Reverend Kaneda’s first case of possession came to him after less than a fortnight. He was chief priest at a Zen temple in the inland town of Kurihara. The earthquake on 11 March 2011 was the most violent that he, or anyone he knew, had ever experienced. The great wooden beams of the temple’s halls had flexed and groaned with the strain. Power, water and telephone lines were fractured for days; deprived of electricity, people in Kurihara, thirty miles from the coast, had a dimmer idea of what was going on there than television viewers on the other side of the world. But it became clear enough, when first a handful of families, and then a mass of them, began arriving at Kaneda’s temple with corpses to bury.

Nearly twenty thousand people had died at a stroke. In the space of a month, Kaneda performed funeral services for two hundred of them. More appalling than the scale of death was the spectacle of the bereaved survivors. ‘They didn’t cry,’ Kaneda said to me a year later. ‘There was no emotion at all. The loss was so profound and death had come so suddenly. They understood the facts of their situation individually – that they had lost their homes, lost their livelihoods and lost their families. They understood each piece, but they couldn’t see it as a whole, and they couldn’t understand what they should do, or sometimes even where they were. I couldn’t really talk to them, to be honest. All I could do was stay with them, and read the sutras and conduct the ceremonies. That was the thing I could do.’

Richard Lloyd Parry · Ghosts of the Tsunami · LRB 6 February 2014

Déprime

J’en ai marre de cet état de dépression latente avec des hauts, des petits hauts et des bas, des petits bas, qui me ronge tout le temps. J’en ai marre d’attendre avec anxiété la catastrophe qui ne manquera pas de m’arriver. J’en ai marre de toujours vouloir autre chose que ce que j’ai. J’en ai marre de toujours avoir envie d’être quelqu’un d’autre que je ne suis, plus beau, plus brillant, plus intelligent, plus heureux. J’en ai marre de me trouver insipide, nul, stupide, un raté, à peu près tout le temps.

Je voudrais être quelqu’un de normal, ni triste ni heureux la plupart du temps mais simplement content de vivre et de ressentir les émotions vous traverser l’esprit. Ne pas être préoccuppé tout le temps de maintenir la tête hors de l’eau, ne pas avoir ces inquiétudes et ces tristesses constantes.

mercredi 12 février 2014

Orages

Vous voulez voir une belle collection d'activité convective intense dans l'air ? Regardez cette vidéo réalisée par Nicolaus Wegner au Dakota du Sud et au Wyoming pendant l'été 2013.


vendredi 7 février 2014

Aller au vert

 
Manque de nature, manque de calme, envie de forêts, d’arbres et de mousses.
Désir d’herbe, de feuilles, de branches. Toucher le tronc humide d’un arbre. Humer l’odeur des feuilles mortes qui pourrissent dans le sous-bois.
Envie d’écouter le son du vent dans les pins, le chant des oiseaux, le son de l’eau qui coule dans le ruisseau, sur les cailloux.
Écouter les craquements et les pétillements du bois qui brule dans la cheminée, sentir l’odeur du feu de bois, admirer la danse des flammes.
Écouter le son des gouttes de pluie qui battent le toit. Les chiens qui aboient au loin dans les fermes quand tombe la nuit.
Marcher dans la forêt, respirer ses odeurs, écouter le calme des grands bois.
J’ai besoin de sortir, de prendre des vacances à la campagne, d’y être seul dans cet état d’euphorie tranquille qui caractérise mes séjours au vert. De ne rien faire que lire, écrire, boire du vin en rêvassant et marcher dans les bois ou dans les champs, le long des haies des chemins creux, jouer avec le chat et lui faire des câlins.

jeudi 6 février 2014

Les chiens voyageurs de Moscou

Il paraît qu’à Moscou où vivent près de 35 000 chiens errants (1 pour 300 habitants) quelques uns de ces chiens ont adopté un comportement de comuters, prenant le métro pour aller de leurs lieux de résidence dans les banlieues aux endroits où ils savent trouver de la nourriture, et retour. Un remarquable cas d’adaptation au milieu.

➟ Street dogs in Moscow 

The Moscow Metro is the second most heavily used in the world by daily ridership. About 500 dogs on average live in its stations, especially during colder months. Of thèse dogs, about 20 are believed to have learned how to use the system as a means of commuting. The strays move to the city center during the day in search of food and return to the suburbs at night.

Theories to explain how they are able to correctly determine their routes include: an ability to judge the length of time spent on the train in between stations/time intervals recognition of the place names announced over their train's loudspeaker the scents of particular stations[1] a combination of such factors. They are said to prefer the quieter, less trafficked cars at the very front or back of the train. Author Eugene Linden, a specialist in the subject of animal intelligence, believes the dogs' behavior exhibits "flexible open-ended reasoning and conscious thought".

mardi 4 février 2014

The School of Life frappe encore

Oh chouette ! chouette ! Alain de Botton sort un nouveau livre : The News A User’s Manual et mon site web préféré, The School of Life (créé par Alain de Botton) sort un nouveau journal on-line The Philosopher’s Mail, en plus du blog.

Understatement

Penelope Fitzgerald, dans une lettre, pendant le blitz de Londres :

We have had a large oil-canister bomb which came through my bedroom window, so that I have a twisted piece of metal as a souvenir, but I was not there at the time and so although all the windows in the flat collapsed I did not.

Et c'est tout.

lundi 3 février 2014

Philip Seymour Hoffman

Dur weekend pour le cinéma. Philip Seymour Hoffman est mort hier dans son appartement de Greenwich Village, d’une overdose, apparemment. Il avait 46 ans. Il était dans mon top ten des acteurs américains. Avec Jeff Bridges, Al Pacino, Clint Eastwood, Kevin Spacey, Dustin Hoffman, Woody Allen, John Goodman… Son plus grand rôle aura été Capote, le biopic sur le grand écrivain Truman Capote qu’il incarnait extraordinairement. Il avait la plupart du temps des seconds rôles (sauf dans Capote) mais quelque soit le personnage, et en général c’étaient des rôles difficiles, il l’incarnait avec son style personnel et il ne passait jamais inaperçu.

Les allégations contre Woody Allen

Les allégations contre Woody Allen ? Je n'y crois pas un instant ! Toute cette affaire pue la vendetta construite et réfléchie pour détruire la réputation de Woody Allen. Avec copinage et exploitation des opportunités, avec utilisation intelligente d'Internet et des réseaux sociaux sur le Web pour faire lyncher (au moins virtuellement) le cinéaste...

Woody Allen a tout pour déplaire à l'Amérique profonde : il est juif, New-Yorkais, brillant intellectuel bourré de talents, de gauche, il fait des films d'auteur, des films intelligents, tout en finesse et humour, avec une morale ambigüe, il a séduit de belles femmes goys, lui, le petit juif laid avec des grosses lunettes de nerd, il s'est marié avec la fille adoptive de sa compagne de l'époque, beaucoup plus jeune que lui (et peu importe qu'il n'en ait jamais été le père, ni adoptif ni même assumant le rôle de père, ne l'ayant fréquenté que quand celle-ci fut majeure), il a fait un film magnifique, "Manhattan", à la gloire de New York, où le personnage principal a une relation amoureuse avec une jeune étudiante. Tout cela fait qu'il sent le souffre par tous les pores de sa peau ! Alors l'accusation ultime est bien sûr l'abus sexuel sur sa fille adoptive de sept ans. Même si toute cette histoire est abracadabrantesque à bien des niveaux et si on a déjà enquêté dessus il y a vingt ans sans rien trouver à lui reprocher.

Les réacs manifestent le dimanche

Il y a une France où deux millions de personnes achètent un ticket de cinéma (qui n'est pas donné !) pour aller voir le film "Les garçons et Guillaume, à table !" qui offre un regard plein d'humanité et d'intelligence sur les identifications sexuelles. Il y a une autre France où des centaines de milliers de personnes croient avec la foi du charbonnier aux mensonges qui circulent autour d'une pseudo "théorie du genre" sur l'indifférenciation des sexes qui serait inculquée en catimini aux enfants des écoles, quand c'est d'égalité dans les choix possibles d'études et de métiers dont on leur parle, à l'encontre des préjugés sexistes et sociaux. Tous ces gens manifestent donc contre des menaces imaginaires, des projets de lois qui n'existent pas - notamment sur la PMA, la GPA, l'euthanasie - ou s'érigent en défenseurs d'un modèle familial que nul ne leur conteste, mais qui n'est tout simplement plus le seul depuis bien longtemps dans la société française. Il n'y a pas de raison qu'ils ne retournent encore souvent battre le pavé, dès lors qu'ils s'inventent leurs propres épouvantails.
Jean-Michel Helvig - La République des Pyrénées.

samedi 1 février 2014

Être de bonne foi : la voie vers l'échec

Seuls les naïfs peuvent croire qu’une discussion vise à résoudre un problème ou à éclaircir une question difficile. En réalité, sa seule justification est d’éprouver la capacité des participants à désarçonner leur adversaire. L’enjeu n’est pas de vérité, mais d’amour-propre. Le beau parleur l’emporte sur le bafouilleur, le téméraire sur le timide, le fonceur sur le scrupuleux. Être de bonne foi équivaut à additionner les handicaps, le scrupule s’ajoutant à la circonspection pour alourdir la langue. Qu’est-ce que la bonne foi ? Une conduite d’échec, un véritable suicide…
Georges Picard - Petit traité à l'usage de ceux qui veulent toujours avoir raison (José Corti - 1995)

Hurluberlu

Depuis longtemps, j’ai acquis une réputation d’hurluberlu. Être considéré ainsi n’a rien de dégradant. L’hurluberlu est un personnage plutôt sympathique dans notre folklore social. Il n’agit pas comme tout le monde, il ne comprend pas le langage commun, il vit dans un monde parallèle. Dans le meilleur des cas, il ne porte tort à personne et n’abîme que sa propre réputation. Mais comme il sait à peine de quoi il s’agit, ça ne tire pas à conséquence. Le dictionnaire m’apprend que je suis un type extravagant qui agit d’une manière bizarre et inconsidérée. Je suis tout prêt à le croire. Je peux tout aussi bien croire le contraire au bénéfice de ma liberté d’échapper aux codes et aux modes débiles qui sévissent dans notre société. Si la société est folle, d’une folie sans issue, agressive et mesquine, rien ne doit nous retenir de lui tirer la langue ou de lui faire un bras d’honneur. Pour ma part, je crois plutôt à la solution malicieuse. À  l’occasion, je pratique volontiers le rire, voire la cocasserie. Il m’arrive de faire des jeux de mots sans les regretter. C’est une hygiène comme une autre dont l’intérêt ne semble pas avoir été perçu par les faiseurs de traités métaphysiques. Comme le monde serait ennuyeux si on se contentait de le prendre au pied de la lettre ! J’ai toujours pensé qu’il fallait dépayser les choses pour se dépayser soi-même. En brouillant un peu les contours au lieu de suivre passivement le trait, on s’ouvre des perspectives plus excitantes sur la réalité. Je ne sais pas si une considération de ce type recevrait le suffrage des contemporains. Notre époque est lourde comme jamais, elle s’épuise dans un prosaïsme déprimant. Mais elle présente au moins l’avantage de s’intéresser frénétiquement à elle-même, grâce à quoi chacun peut lui rendre la pareille en butinant de son côté, en toute indépendance d’esprit.
Georges Picard - L'Hurluberlu (Corti, 2012)

Jours d'hiver

Bien peu d'écriture sur ce blog en ce moment. C'est que les fins janvier et les débuts février me sont un peu difficiles à vivre, avec l'hiver et mon anniversaire qui approche. Mon anniversaire n'est jamais une source de joie. Dans ma famille on ne fête pas les anniversaires, on ignore même la date des anniversaires des uns et des autres, où si l'on y pense on ne le fait pas remarquer ! Avant Facebook je ne souhaitais jamais un bon anniversaire à personne. La notion de bon anniversaire m'était à peu près inconnue, un anniversaire étant mauvais, dans mon esprit, par définition. Depuis Facebook je me sens obligé de souhaiter un bon anniversaire à mes contacts. J'ai même fini par apprécier que des gens dont je n'avais jamais d'autres nouvelles que leurs rares statuts FB me souhaitent mon anniversaire ! Mais dans l'ensemble I'd prefer not to.