mercredi 13 janvier 2010

Locos

presqu'ile de Gien
Presqu'île de Gien, mars 2009

Je me souviens des locomotives à vapeur. Quand j'étais petit il y en avait encore sur les lignes de la SNCF. Quand on allait prendre le train à Port-Boulet, sur la ligne de Tours à Nantes, on prenait des trains "grandes lignes" tractés par des locomotives à vapeur. Oh, pas longtemps, c'était la fin des locos à vapeur, elles ont disparue rapidement, avant mes dix ans. On ne les prenait pas souvent, ces trains, juste pour aller à Angers, rarement, l'hiver seulement quand il était imprudent de prendre la voiture. Je me souviens que nous attendions le train sur le quai de la gare de Port-Boulet, la ligne était parfaitement rectiligne et l'on apercevait la fumée de la locomotive avant le train lui-même à l'horizon, là où se perdait la vue, et la locomotive elle-même était un point noir qui grossissait inexorablement à mesure qu'il se rapprochait de nous. Elles étaient très impressionnantes les locomotives à vapeur, c'étaient des monstres noirs, roues, essieux et arbres de métal bien graissés et rutilants qui semblaient un délicat mouvement d'horlogerie animé par une puissance tellurique. Et ça fumait, sifflait, brûlait, vibrait de puissance au démarrage. Mon frère, à Angers, m'emmenait sur un pont sur les voies au sortir de la gare Saint-Laud — comme le Pont de l'Europe à Paris enjambe les voies de la gare Saint-Lazare — pour admirer le passage de ces fiers engins à la tête de trains de marchandises ou de voyageurs. Quand le train passait on était enveloppé par la vapeur de la locomotive, nous disparaissions et notre monde disparaissait dans un nuage chaud qui se dissipait rapidement et le monde était visible à nouveau quelques instants après le passage du train. Je me demande si le plaisir que j'éprouve à voir les fusées décoller (je ne rate que rarement un lancement de navette spatiale) n'est pas lié un peu au souvenir des locos à vapeur. Celles-ci vivaient leurs derniers jours dans mon enfance, elles ont vite été remplacées par des locomotives diesels et par le Turbotrain, un train automoteur équipé d'une turbine qui faisait le bruit d'un Boeing au décollage et qui consommait énormément de fioul, à tel point qu'il fut définitivement mis au rencard après le choc pétrolier de 1974.