jeudi 29 mai 2008

écriture

Je préfère de beaucoup les e-mails, où même les SMS et les messageries instantanées que le téléphone. Avec Skype je préfère bavarder par écrit qu'en visiophonie. J'envoie plus facilement un SMS que je ne passe un coup de fil. Je réserve les appels téléphoniques pour les urgences absolues, les gens qui n'ont pas Internet ou qui n'allument jamais leur ordinateur, ou lorsque parfois je veux avoir des nouvelles de quelqu'un ou discuter d'un problème particulier assez complexe, intime ou sensible pour passer difficilement par écrit. Cela tient à deux choses à mon avis, (1) ma réticence à parler aux gens, (2) au fait que je considère le téléphone en tant que tel comme une technologie invasive, dérangeante, qui mobilise mon attention quand celui qui m'appelle le veut et non quand moi je suis prêt ou disposé à le recevoir.

L'une des raisons qui me font snober le téléphone est que j'aime écrire. J'ai toujours bien aimé écrire et je ne sacralise pas l'écriture, je ne la réserve pas à certaines occasions comme la vaisselle de fête qu'on sort une fois par an, je ne la respecte pas comme une chose précieuse et fragile (je respecte le beau style et la belle écriture, mais pas l'écriture en soi). J'écris beaucoup, pour un rien comme pour mettre mes idées au clair (je publie moins, beaucoup moins, que je n'écris, mais c'est autre chose). Attention, je ne dis pas que j'écris bien, mon orthographe et ma grammaire sont nettement déficients, mon style est perfectible, mais je m'en moque un peu, au fond.

Je pense que beaucoup de gens n'aiment pas écrire ou ont peur d'écrire. Parce qu'écrire mobilise un savoir qu'on ne possède pas toujours ou pas toujours convenablement, demande plus d'efforts que de parler, demande d'ordonner sa pensée. Ce qu'on écrit est bien plus définitif que ce que l'on dit. Beaucoup de gens ont peur d'écrire, aussi, parce que l'écriture est sacralisée dans nos sociétés, réservée à ceux qui savent la manier élégamment ou aux soi-disant grandes occasions. Beaucoup de gens ont peur d'écrire parce qu'ils ont peur d'être jugés.

Je ne le dirai jamais assez : tout le monde devrait écrire. Un journal, des recettes de cuisine, un weblog, des lettres d'amour (c'est beau, une lettre d'amour, même à un amoureux imaginaire!), des lettres à ses amis, à sa famille, des e-mails, des billets d'humeur, des histoires drôles, 140 signes sur Twitter, des SMS, dans Wikipédia, dans les forums de ce qui vous plait, un essai de 42 pages sur les passereaux du parc des Buttes Chaumont (avec illustrations) ou sur sa conception de l'existentialisme athée ou comment le PS peut remonter la pente, un roman policier gore, n'importe quoi! Et plus on écrit plus on apprend à écrire, plus on prend gout à écrire. Si vous vous considérez inapte à écrire, prenez des leçons, suivez un séminaire d'écriture. Le Web a multiplié comme jamais les moyens de s'exprimer par écrit, profitons-en!

Je connais presque par cœur ce petit texte d'Éric Chevillard : "Pourquoi vous pas", que je cite ci-après :
Mais alors jamais vous n’avez le désir de sortir de votre vie, de quitter aussi votre corps, et d’observer le manège depuis une position écartée ? Et puisqu’il faut vivre quand même, ne souhaitez-vous jamais contrôler davantage la situation ? Ne pas seulement répondre et vous adapter aux circonstances du jour, mais soudain détenir les pleins pouvoir, agir à votre guise, mener la danse et pourquoi pas aussi tyranniser un peu les populations ?
C’est donc avec une éponge et une bassine que vous allez maîtriser l’orage que vous sentez gronder en vous ?
Mais êtes-vous décidément si satisfait de ce monde que vous puissiez vous permettre de ne pas écrire ? Puisque, selon certaine légende qui vous trouble, le monde fut créé par le Verbe, n’avez-vous pas envie de dire votre mot vous aussi, enfin ? Et s’il est vrai que ce monde n’existe pour l’homme que tant qu’il le nomme, vos congénères ne finiront-ils pas par vous en vouloir de ne jamais en placer une ? Et votre contribution ? On l’attend toujours ! Vous vous réfugiez dans le mariage, la maladie, la consommation et les embouteillages, est-ce bien glorieux ?