lundi 14 janvier 2008

ethnographie

Petites observations sur les rituels d’interaction dans les ascenseurs de la Base Secrète :

En premier lieu il nous faut noter deux faits explicatifs très importants :

1) il y a beaucoup d’ascenseurs à la Base et tous les employés (ils sont nombreux) sont obligés de par l’organisation des lieux de les emprunter plusieurs fois par jour,
2) le nombre important de personnes prenant les ascenseurs et le fait que de nombreux cadres dirigeants l’empruntent aussi a tendance à renforcer la prudence des utilisateurs, qui, ne sachant pas trop à qui ils ont à faire, sont plus polis qu’à l’ordinaire.

On distingue trois moments d’interaction, l’entrée dans l’ascenseur, le voyage, la sortie de l’ascenseur. Il faudra y ajouter les comportements manifestement déviants (ils sont rares mais existent assez pour être mentionnés).

1) l’entrée dans l’ascenseur : fait assez étrange : on ne se salue pas, ou alors seulement quand on aperçoit quelqu’un qu’on connaît, et dans ce cas on s’efforce de ne pas être trop expansif tout en restant poli et amical. Un « bonjour / bonsoir » suffit ; si on n’a pas vu la connaissance depuis longtemps on se renseigne sur sa situation de manière parfaitement formelle, ce n’est manifestement pas l’endroit pour se faire des confidences. Il est d’usage de garder les portes ouvertes pour permettre aux éventuels retardataires — aperçus au loin se pressant vers l’ascenseur — de monter. C’est le passager le plus proche du panneau de boutons qui se charge de retarder la fermeture des portes. Cette pratique conduit parfois à des situations comiques où l’excès de prudence et d’attention fait que l’ascenseur reste en place plus de temps qu’il n'est raisonnable et qu’une alarme se mette alors à sonner. Quand on est « en retard » et qu’on vous a maintenu les portes ouvertes il est d’usage de lancer un « merci » à la cantonade.
2) le voyage : les conversations entamées devant l’ascenseur peuvent se poursuivre mais mezzo voce, en prenant bien soin de ne rien dire qui puisse être écouté sans risque par les autres passagers. On ne sait jamais qui ils sont ni dans quel service ils travaillent. Mieux vaut rester discret. Les ascenseurs sont équipés de petites télévisions qui passent en boucle le dernier spot publicitaire de la Boite ou des diapositives d’intérêt général. On n'utilise pas son téléphone mobile.
3) la sortie de l’ascenseur : les descendants ont l’initiative des salutations, obligatoires au moment de la descente (et, comme on l’a vu, pas au moment de la montée). Les salutations prennent la forme suivante :
- le descendant : « bonne journée / soirée / après-midi etc. »
- le restant : « à vous aussi, merci »
Il est très rare que les rituels de séparation prennent une autre forme, celle-ci étant particulièrement codée.

A noter le fait que chacun appuie sur le bouton de l’étage vers lequel il se rend. Dans d’autres milieux culturels il a été noté que c’est le premier rentré qui se chargeait de programmer les escales de l’appareil en suivant les demandes des autres.

Voyons maintenant les comportements déviants :
1) les gens qui montent dans l’ascenseur, lors d’une escale, sans laisser descendre.
2) les gens qui puent les odeurs corporelles (hommes le plus souvent) ou qui ont un parfum entêtant (femme pour la plupart).
3) les gens qui ne respectent pas le code rituel décrit plus haut.
La déviance n’attire que très rarement une manifestation orale de désapprobation voire de récrimination, d’ailleurs une telle manifestation est elle-même considérée comme une déviance. Dans l’ascenseur, entre supposés collègues, la tolérance est de mise, même s’il se raconte, plus tard, des histoires d’ascenseur (« Bon sang, j’étais dans l’ascenseur avec un type qui puait des pieds !... Mais une odeur !... J’te jure ! »)