vendredi 27 avril 2007

soliloques du temps passé (2)

Penché à la fenêtre dans mon appartement parisien dans le haut d'une barre de béton qui domine le nord de Paris, je regardais la vie de la ville et je pensais au son du vent dans les pins de St Brévin, un son très particulier presque constant qui ressemble au son de la mer et du ressac, je pensais au son du vent dans les pins à St Brévin et je pouvais presque l'entendre en me concentrant, penché à la fenêtre, me disais-je. Et il fallait juste fermer les yeux, penché à ma fenêtre dans le ciel parisien, pour voir les nuages de pollen de pin qui se déplaçaient exactement comme des nuages bas, des nuages extrêmement denses de pollen de pin, jaunes, tourbillonnant ou planant entre les pins et retombant en pluie sur toutes les choses, le sol, les allées, les toits de tuiles, les terrasses, les objets qui restaient dehors, les voitures, les feuilles et formant une mince pellicule jaune qui devenait un peu gluante avec l'humidité, le pollen de pin qui recouvrait tout et colorait tout en jaune. C'est sans doute pour ça, le son dans les branches de pins, les nuages de pollen jaune, et aussi la résine qui collait aux doigts et l'odeur des pins et les aiguilles de pins vertes ou marrons quand elles étaient mortes et les bourgeons pelucheux et les pommes de pins, les cônes durs et compacts et légèrement gluants de résine et les vieilles pommes de pins aux pétales qui s'éclataient et laissaient partir au vent leurs graines munies d'une petite aile diaphane, que j'aime tant les pins maritimes, que c'est mon arbre de loin favori et que bien que je ne croie guère à la métempsycose je voudrais si possible être réincarné en grand pin maritime se balançant doucement dans le vent, me disais-je penché à ma fenêtre dans le ciel parisien. Les pins se balançaient majestueusement dans le vent et quand il y avait beaucoup de vent on les entendait craquer, grincer, gémir, il pliaient, se courbaient sous la force du vent mais jamais ils ne rompaient, ils étaient souples et grands les pins, qui sont encore à St Brévin, mais moi je n'y suis plus pour les voir et entendre le son du vent et la plainte des grands pins maritime dans la tempête (mais je deviens lyrique penché à ma fenêtre dans le ciel parisien). Ils étaient habité, les pins maritimes en grand nombre à St Brévin, par des écureuils roux, pas des écureuils américains gris, des écureuils européens roux qui vivent dans les arbres et qui se nourrissent de graines de pin qu'ils extraient des pommes de pin avec leurs incisives. Et je pensais, penché à ma fenêtre dans le ciel parisien, aux écureuils qui se poursuivaient — ces animaux n'arrêtent pas de se battre — le long des troncs et de branches en branches et d'arbres en arbres, le ciel était plein d'écureuils qui se manifestaient souvent en laissant tomber au sol, de dix mètres de haut, des pommes de pins à peine entamées qui tombaient au sol comme de petites bombes sans prévenir car les écureuils pour une raison ou une autre et peut-être bien par pure maladresse, bien que ces animaux semblassent d'une adresse incroyable, les laissaient tomber et peu importe qu'il y ait quelqu'un ou non en dessous.
(à suivre)